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— 214 — devant sa fortune providentielle; il prétendit à un crédit universel, sans réserve ; il prit en mains une multitude de litiges qui ne le regardaient pas, de requêtes et de plaintes où il compromettait son nom ; il dénonça les abus intérieurs, tendit partout les filets d'un espionnage maladroit et d'une inspection offensante dans plusieurs familles et sur plusieurs individus ; il s'entoura de délateurs, se plaignit de se heurter partout à des hostilités sournoises et railleuses, écarta de sa confiance et de ses opérations ses auxiliaires naturels, les gens de son intimité ; en un mot, il n'y a rien qu'il ne tentât, ouvertement tantôt et tantôt dans le mystère, afin d'en arriver à l'exécution de sa pensée dominante : mettre le pouvoir temporel du pape à la discrétion de son gouvernement national ; réaliser, ce qu'il jugeait, au moins à ce moment-là , comme l'idéal d'un régime naturel, ministère spirituel à part, la vassalité de Rome, tremblante et muette sous l'épée du vainqueur de Marengo (2). La vivacité du ton et la raideur des manières, avec lesquelles il signifie au secrétaire d'Etat les volontés consulaires, à propos de l'extradition de Vernègues, dont la présence était au moins tolérable, furent la conséquence de cet état d'esprit; l'ardeur qu'il déploya à découvrir le proscrit, à dénoncer son logis, l'insen- sibilité dont il ne se départit jamais devant les plaintes de Pie VII, ses angoisses et ses larmes, démontrent mieux que les raisonnements les plus probants jusqu'à quel degré l'ambassadeur, moins modéré qu'audacieux, plus vaniteux que discret, ignorait la mesure, les égards, le sang-froid si nécessaires à toute négociation. Quoi d'étonnant alors qu'en rappelant dans ses Mémoires ce regrettable conflit, Consalvi ait écrit cette amère réflexion : « Je ne sache pas qu'il y ait eu plus désolante affaire que celle de Vernègues. Elle fut très malheureuse dans son principe, dans tout son cours et jusque dans son issue » (3). Entrons dans le fond de cette longue procédure ; elle mettra en pleine évidence la parole de l'illustre homme d'Etat que nous venons de citer. Cet errant et fidèle bourbonien, dénoncé par notre ambassadeur des Deux-Siciles, réclamé par le ministre des Affaires étrangères, de Talley- rand, n'a pas beaucoup marqué dans la mémoire de ses contemporains; d'un dévouement toujours prêt, il est vrai, mais de conception médiocre, intrigant, porteur de petites commissions, conspirateur sans audace et