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électeurs étaient sous les drapreaux. M. Venizelos estima que cette pré-
tendue consultation nationale était une comédie, il résolut que son parti
n'y prendrait part et ne se compterait que par les abstentions.
Ce fut un chiffre de voix ridicule que réunirent les candidats du
roi Constantin, ils furent déclarés élus bien entendu mais l'effet moral
était produit : une fois de plus la pression officielle avait échoué.
Quelques mois plus tard, une élection partielle eut lieu à Mitylène
C'était au début de 1916, au moment où nous occupions déjà Salonique
et où le roi Constantin avait ouvertement pris parti au moins pour la
neutralité malveillante et l'abstention. Personne en Grèce ne pouvait
ignorer que M. Venizelos voulait l'entrée en guerre de son pays. Il fut
élu à une écrasante majorité et par un nombre énorme de voix. C'était
la démonstration complète de sa maîtrise sur le corps électoral. En tout
cas son succès prouvait une fois de plus l'inutilité des pressions électorales
en Grèce. Il y a des raisons de penser que ce qui s'est produit en 1915
et en 1916 contre le roi Constantin s'est passé en 1920 contre les Venize-
listes. Sous le poids de cette lassitude à laquelle M. Venizelos faisait allu-
sion devant le jury de la Seine, le peuple grec a voté contre le gouverne-
ment : la pression électorale, s'il y en a eu, n'a donné une fois de plus
aucun résultat.
On voit que dans tout ceci l'électeur grec paraît avoir eu surtout
des préoccupations d'ordre intérieur et n'avoir regardé qu'autour de lui,
sans penser, à ce qu'il semble, à la répercussion que son vote pourrait
avoir sur la politique extérieure de son pays. On a été un peu étonné Ã
Paris de voir, au lendemain des élections, M. Venizelos s'accorder avec
M. Rhallys pour déclarer que la Grèce n'avait pas entendu marquer Ã
l'égard de l'Entente la moindre défiance. Au fond ils avaient raison, le
paysan grec ne s'est pas le moins du monde arrêté aux conséquences de
son vote. Et c'est là , si on y réfléchit, ce qui est grave et pour la Grèce
et pour la politique qu'on avait cru devoir fonder sur elle. La Grèce n'a
pas été inconstante, comme on l'avait pu supposer, c'est bien pis : elle
est indifférente. Elle ne comprend pas la grandeur du rôle qu'on a voulu
lui faire jouer et qu'on a accepté en son nom, et ne se résout pas aux sacri-
fi ces qu'il entraîne. La signification de son vote est très claire : elle en a