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assez d'être le soldat de l'Entente. Elle en a assez aussi du gouvernement
de M. Venizelos et de ses amis. Elle ne se retourne pas vers l'Allemagne.
Quel appui en ce moment pourrait-elle en espérer ? Elle veut se croiser les
bras, et se reposer, c'est ce qu'elle a, je crois, nettement signifié en votant
contre l'homme dont la présence à la tête du gouvernement impli-
quait à ses yeux une longue suite d'efforts et beaucoup d'abnégation.
Il ne faut pas se faire d'ailleurs d'illusion sur les conséquences
pratiques du vote de la Grèce. J'entends bien qu'on dit à Athènes que
la Grèce n'a pas le moindre désir de se jeter dans les bras de l'Allemagne.
Je sais bien que M. Venizelos donne à cette affirmation, un peu suspecte
dans la bouche d'un Gounaris, tout le poids de son autorité. Mais, en
fait, que va-t-il arriver ? Les sentiments germanophiles du roi Constantin
n'ont jamais fait doute pour personne ; seuls se sont laissés tromper jadis
par ses déclarations francophiles un certain nombre de fonctionnaires
et de missionnaires politiques qui oubliaient et ses origines et son éduca-
tion. En tout cas, maintenant, tout le monde est convaincu et on pense
bien que l'exil n'a pu que donner aux sentiments qu'il professe à l'égard
de l'Allemagne une force nouvelle. Autrefois il aimait l'Allemagne,
maintenant, en plus, il nous hait et parmi ses vertus le roi Constantin
possède celle de la rancune, et à un degré éminent. Il va donc, plus ou
moins ouvertement, avec l'aide de la reine Sophie, reprendre la germani-
sation de son royaume. On a pu dire qu'en juillet 1914, au moment de
la déclaration de guerre, l'immense majorité des Grecs était favorable
à la France. C'est exact : au moins dans leurs paroles un très grand nombre
de Grecs témoignaient à notre pays une affection traditionnelle. Il n'en
est pas moins vrai qu'il y avait en Grèce une propagande germanophile
suivie et efficace. On savait où elle prenait naissance, en dehors bien en-
tendu de la légation d'Allemagne, son centre naturel. L'influence alle-
mande était, on peut le dire, suprême, d'abord à la Cour, dans l'entourage
immédiat des souverains, de la reine surtout, d'où elle se répandait dans
la haute société athénienne ; ensuite au Grand Etat-Major avec les Dous-
manis et les Metaxas qui menaient contre la mission militaire française
une guerre sourde et continue ; par là elle pénétrait dans les états-majors
des divisions et dans les troupes. Malgré le ministre, les Dousmanis et