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— 89 — Il montra d'ailleurs le même courage, la même netteté que de coutume dès que fut déclarée la grande guerre, et la promptitude de sa résolution ne doit pas être oubliée. M. Jonnart d'ailleurs (et il faut l'en louer grande- ment) l'a rappelée solennellement la première fois qu'il reçut, en juin 1917, M. Venizelos à la légation de France à Athènes. Dès l'ouverture des hostilités M. Venizelos, qui se trouvait en Suisse en conférence avec le Grand Vizir ottoman, revint précipitamment à Athènes et réunit un Conseil de la Couronne. Son ministre des affaires étrangères, M. Streit, avait en son absence, sur l'instigation du roi Constantin, déclaré la neu- tralité de la Grèce. M. Venizelos, qui presqu'immédiatement après se débarrassa du reste de ce collaborateur, simple représentant du roi aux conseils du Gouvernement, l'approuva, mais tint à définir de suite le caractère de cette neutralité : « C'est une neutralité d'attente, dit-il, nous devons prévoir que nous serons amenés à prendre part au conflit. En ce moment cela nous est impossible, la situation orientale est trop incertaine. Les intentions véritables de la Bulgarie nous sont incon- nues et les dispositions de la Turquie sont peu rassurantes. Nous ne pourrions que précipiter les événements. Mais je prévois que nous sorti- rons un jour de la neutralité et que nous en sortirons aux côtés des puis- sances de l'Entente, lorsqu'elles nous le demanderont. Notre parti est pris : nous sommes avec elles et pour elles ». Ceci se passait en août 1914, avant la Marne et après Charleroi. S'il m'est permis de rappeler ici un souvenir personnel, j'eus l'occa- sion de voir M. Venizelos à Salonique le lendemain du jour où il avait débarqué, à la fin de septembre 1916. On se rappelle quelle était alors sa position. Fugitif, ayant quitté Athènes par surprise, ayant dû accepter la protection des contre-torpilleurs alliés pour éviter d'être pris en mer en se rendant de Crète, où il avait passé, à Salonique où l'attendait l'em- bryon de gouvernement révolutionnaire qui y fonctionnait, il arrivait presque seul, sans argent, sans troupes ; il n'apportait avec lui que la force de son énergie, l'ardeur de son inébranlable conviction dans le succès final des alliés, la lucidité de son intelligence ; jamais d'ailleurs elle ne fut plus complète, plus maîtresse d'elle-même. Je lui demandai : « Monsieur le Président, que comptez-vous faire? ». Il me répondit,