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      Il montra d'ailleurs le même courage, la même netteté que de coutume
dès que fut déclarée la grande guerre, et la promptitude de sa résolution
ne doit pas être oubliée. M. Jonnart d'ailleurs (et il faut l'en louer grande-
ment) l'a rappelée solennellement la première fois qu'il reçut, en juin
1917, M. Venizelos à la légation de France à Athènes. Dès l'ouverture
des hostilités M. Venizelos, qui se trouvait en Suisse en conférence avec
le Grand Vizir ottoman, revint précipitamment à Athènes et réunit un
Conseil de la Couronne. Son ministre des affaires étrangères, M. Streit,
avait en son absence, sur l'instigation du roi Constantin, déclaré la neu-
tralité de la Grèce. M. Venizelos, qui presqu'immédiatement après se
débarrassa du reste de ce collaborateur, simple représentant du roi
aux conseils du Gouvernement, l'approuva, mais tint à définir de
suite le caractère de cette neutralité : « C'est une neutralité d'attente,
dit-il, nous devons prévoir que nous serons amenés à prendre part au
conflit. En ce moment cela nous est impossible, la situation orientale est
trop incertaine. Les intentions véritables de la Bulgarie nous sont incon-
nues et les dispositions de la Turquie sont peu rassurantes. Nous ne
pourrions que précipiter les événements. Mais je prévois que nous sorti-
rons un jour de la neutralité et que nous en sortirons aux côtés des puis-
sances de l'Entente, lorsqu'elles nous le demanderont. Notre parti est
pris : nous sommes avec elles et pour elles ». Ceci se passait en août 1914,
avant la Marne et après Charleroi.
     S'il m'est permis de rappeler ici un souvenir personnel, j'eus l'occa-
sion de voir M. Venizelos à Salonique le lendemain du jour où il avait
débarqué, à la fin de septembre 1916. On se rappelle quelle était alors
sa position. Fugitif, ayant quitté Athènes par surprise, ayant dû accepter
la protection des contre-torpilleurs alliés pour éviter d'être pris en mer
en se rendant de Crète, où il avait passé, à Salonique où l'attendait l'em-
bryon de gouvernement révolutionnaire qui y fonctionnait, il arrivait
presque seul, sans argent, sans troupes ; il n'apportait avec lui que la
force de son énergie, l'ardeur de son inébranlable conviction dans le
succès final des alliés, la lucidité de son intelligence ; jamais d'ailleurs
elle ne fut plus complète, plus maîtresse d'elle-même. Je lui demandai :
« Monsieur le Président, que comptez-vous faire? ». Il me répondit,