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 sans la moindre hésitation : « Je vais faire une armée. En ce moment je
 ne suis rien, je ne représente rien qu'une idée ; il est probable que l'Entente
 va me traiter en quantité négligeable. Je m'y attends. Tout ce que
 je lui demande, c'est de me donner le moyen de lui apporter une armée.
 Quand j'aurai mis sur pied 100.000 hommes je serai quelque chose pour
 l'Entente, et la Grèce sera aussi quelque chose ».
      Et il fit comme il l'avait dit, il se désintéressa de tout ce qui n'était
 pas l'organisation de l'armée qu'il voulait créer. Il négligea en toute
 sérénité toutes les petites avanies qu'on ne lui ménagea guère ; il supporta
 les heures dures, celles où l'Entente manquait aux engagements pris
 solennellement à Boulogne à son égard ; il traversa avec calme les crises
les plus difficiles, comme celle du i /14 mars 1917 alors qu'il n'avait pas
un sou pour payer les soldes des officiers et des hommes de son armée
 de volontaires, et que l'Angleterre se retranchait derrière des chinoiseries
 administratives pour se dérober à l'exécution de ses promesses. Il ne se
 découragea jamais, même aux moments les plus sombres, ni au lendemain
 de cette conférence de Rome de janvier 1917 où, comme le disait sans
ménagement le prince Georges de Grèce, on avait cassé les reins aux
Venizelistes ; ni le jour où un amiral français, se méprenant sur les instruc-
tions de son gouvernement, rétablissait manu militari les autorités constan-
tiniennes de Sainte-Maure que le peuple de l'île avait chassées pour les
remplacer par des hommes favorables à l'Entente. Tout cela, il le supporta
grâce à son beau calme et sa belle santé, à son équilibre physique et moral
qui lui permettait aux heures les plus noires de faire chaque après-midi
ses deux heures de sieste, quelles que fussent ses préoccupations, et après
lesquelles il descendait de sa chambre, rajeuni et rafraîchi. C'est ainsi
qu'il se tint parole, qu'il fit son armée à travers mille difficultés, s'imposa à
l'Entente hésitante et défiante, rentra à Athènes et sauva son pays.
      On sent dès lors, quand on évoque le souvenir de ces choses qui sont
encore si près de nous, combien invraisemblables sont les rumeurs, mises
en circulation, qui présentent comme possible, comme peut-être déjà
conclue, une entente entre l'éminent homme d'Etat que la Grèce ingrate
a renié et le souverain qui vient de remonter sur le trône. C'est au fond
le recommencement d'une très vieille histoire. On en disait jadis autant