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— 74 — le Régent le poussait à rétablir dans le plus bref délai l'équilibre des finances ; ses comparses voulaient s'enrichir vite et sans scrupule. Mais à côté du financier, il y eut l'homme, et celui-ci est charmant. Law fut un esprit ouvert aux lettres et à l'art, amateur passionné et délicat (i), prenant à la vie tout ce qu'elle a de bon, se hâtant d'en profiter sans souci du lendemain. Sa culture était celle d'un honnête homme, sa science du calcul extraordinaire, son autorité incontestable. Lors de la chute du système, le Régent dût lui retirer le contrôle des finances, il le maintint quand même à la tête de la Compagnie des Indes qu'il était seul capable de diriger ; après la banqueroute il songea plusieurs fois à le rappeler, sa compétence manquant à tous et à tout, même peut-être à la liquidation de son système. Enfin, ce qui lui fait beaucoup pardonner, il aima vraiment la France. Cet Ecossais a entrevu l'avenir du domaine colonial de sa patrie d'adop- tion peut-être avec une pointe d'impérialisme et un goût certain des grandeurs, mais sa politique fait songer sur bien des points à celle qui a fait au xixe la grandeur coloniale nouvelle de notre pays. Sans vouloir exagérer le mérite de l'aventurier génial dont nous avons tenté de faire revivre quelques conceptions, peut-être ne serait-il pas sans profit, dans les difficultés présentes, d'étudier certaines de ses idées qui, en fondant le crédit d'un pays sur sa puissance d'expansion, son domaine colonial, et l'activité de ses hommes d'affaires, permettent, par la confiance, d'assurer l'avenir. Mathieu VARILLE. (I) Saint-Simon cite dans ses Mémoires, t. 8, p. 75 (Edit. des Grands Ecrivains) qu'il achète les 50.000 volumes de la Bibliothèque de l'abbé Bignon.