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commode ; leurs forces mutuelles les garantissent des insultes auxquelles
les étrangers ne sont que trop exposés dans les pays éloignés ; les décou-
vertes des uns servent aux autres ; le crédit qu'ils se prêtent multiplie
leurs fonds. C'est ainsi que nous joindrons au commerce de l'Asie celui
de l'Europe dans l'Asie même, et que nous porterons les fruits de la paix
dont nous jouissons ici jusqu'aux extrémités du monde (i). » Cette poli-
tique d'alliance, ce libéralisme économique est vraiment bien en avance
sur son époque et marque une belle étape dans la politique coloniale
qu'avaient suivie Richelieu et Colbert. Law n'eut hélas pas le temps de
la réaliser.
      Il fallait en effet, pour maintenir la situation financière du système,
faire croire aux actionnaires, ces fameux Mississipiens de la rue Quin-
campoix, que la prospérité coloniale était réelle, et c'est la grande faiblesse
 de Law que d'avoir employé pour cela des moyens malhonnêtes. Les
duchés et les marquisats du Mississipi flattent les ambitions des enrichis.
 On imagine des réclames annonçant la découverte de montagnes conte-
nant les métaux les plus précieux, on parle des rochers d'émeraude de
l'Arkansas, et l'on représente les manufactures inexistantes où des femmes
Natchez travaillaient la soie. L'ancien gouverneur de la Louisiane, à
l'époque de Crozat, est mis à la Bastille pour avoir trop parlé. Mais la
difficulté primordiale à laquelle Law se heurtait était surtout celle du
peuplement de la Louisiane. Il acheta littéralement douze mille allemands
 dont quatre mille seulement lui furent livrés pour peupler son duché
 des Arkanças, mais le Régent employa des moyens plus rudes, il autorisa
les tribunaux à convertir en déportation outre-mer la plupart des peines (2)
 et fit faire une chasse générale à tous les vagabonds et aux prostituées
 dont il fit deux envois en Louisiane au grand mécontentement des colons
 déjà installés. Enfin une troisième expédition de filles mieux choisies
 fut dirigée sur la nouvelle colonie, c'étaient les « demoiselles à la cassette »
 conduites par des religieuses et qui disposaient d'un modique trousseau
 offert par la Compagnie. Law essaya encore de se procurer des colons
    (1) Lettre de Law sur le nouveau système des finances, extraite du Mercure de France d'avril 1730.
    (a) V. P. E. Lémontey, Œuvres, Paris, Paulin, tome 6 « Histoire de la Régence et de la minorité de
Louis XV », p. 333 et suiv.