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en Suisse et en Italie et fonda une quarantaine de villages de vingt familles,
chacune ayant à sa disposition environ 280 arpents, mais c'était encore
insuffisant ; de véritables compagnies de recruteurs de colonisation, les
Bandouliers du Mississipi (ainsi nommés en raison du mousqueton qu'ils
portaient en bandoulière) arrêtaient avec la plus grande partialité tout
ce qui se présentait, des fillettes de neuf ans furent ainsi expédiées à la
Louisiane, certaines familles eurent un garçon enlevé sur trois ou deux
filles sur trois, les apprentis qui ne présentaient pas un certificat hebdo-
madaire de travail furent déportés avec tous les oisifs, signalés par les
curés des paroisses qui en avaient l'ordre formel. On conçoit quel soulève-
ment populaire pouvait amener une manière d'agir aussi scandaleuse.
Entre temps venait à Paris une reine de la nation des Missouris accompa-
gnée de dix sauvages, on l'exhiba sur le Théâtre italien, on la fit abjurer
à Notre-Dame et enfin on la maria à un sergent. C'était le côté comique
de l'affaire qui tournait à la tragédie.
Il ne faut pas croire cependant que la colonisation de la Louisiane
était complètement imaginaire. Seize établissements placés sous l'autorité
d'un directeur ordonnateur et d'un commandant de troupes, avaient
été constitués, le plus important était celui de la Nouvelle-Orléans qu'a-
vait édifié un groupe de faux sauniers et qui était la capitale du pays.
Pendant l'année 1720, la compagnie des Indes s'adjoignait encore
celles d'Afrique, de Guinée et de Saint-Domingue et son empire s'éten-
dait sur tout l'ancien domaine colonial qu'avait rêvé Colbert. Lémontey
prétend que dans l'hiver de 1719 à 1720 elle expédia pour Pondichéry,
Surate, la Chine, Moka et la mer du Sud, dix-huit vaisseaux, dont les
cargaisons valaient vingt-cinq millions et trente autres vaisseaux pour
la Louisiane, le Sénégal, la Guinée et Madagascar. Law, bien que s'occu-
pant moins des Indes que de la Louisiane envoya à Pondichéry plusieurs
vaisseaux apportant les espèces nécessaires pour acquitter les dettes de
la Compagnie qui étaient considérables, lorsqu'il en acquit le privilège.
Il est hors de doute qu'en agissant ainsi il réalisait une de ses idées les
plus chères, celle de conserver le numéraire en monnaie pour en mettre
une partie à la disposition des colonies et développer leurs affaires, le
papier-monnaie devant suffire aux transactions de la métropole.