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— 40 — En examinant ces deux pages de très près, nous constatons bien quelques dissemblances, mais celles-ci se bornent à l'usage différent que font les deux imprimeurs de certaines lettres. Dans l'impression planti- nienne, nous voyons dominer un v initial qui commence par un simple trait s'amincissant vers le bas (voyez les mots vraye, vieil, véritable). Granjon se sert parfois d'un v initial commençant par une légère boucle (voyez une, lig. 9). Plantin possédait aussi ce dernier v ; nous le voyons sur le spécimen, ligne 26 (V. venu) ; les autres caractères, surtout les plus compliqués, les initiales et les ligatures (voyez D, Dieu ; M. Mort, Messias ; st, nostre, hostie ; ch, chose, Jésus christ) sont sans aucun doute du type des civilités-Granjon de 1557. D'ailleurs, chose remarquable, les matrices ayant servi à la fonte de ces caractères se trouvent encore aujourd'hui au Musée Plantin, parmi tant d'autres objets d'une valeur incomparable au point de vue de l'histoire de l'ancienne typographie. Ce Musée conserve également les matrices de quatre autres caractères de Granjon : 1/ la petite cursive, 2/ l'ascendonica cursive de 1570, 3/ la non-pareille cursive de 1570, et 4/ le parangon romain de 1570. Les archives du Musée Plantin-Moretus possèdent aussi en abon- dance des documents prouvant que le grand typographe anversois entre- tenait avec Granjon des relations suivies, et qu'il lui commanda à plusieurs reprises des poinçons et des matrices pour des caractères de civilité. En 1562, on vendit, par ordre de justice, les biens de Plantin qui s'était compromis dans une affaire d'impressions hétérodoxes et dut s'enfuir à Paris. A cette vente, l'imprimeur Jean Loe devint acquéreur de 162 livres de « lettre médian façon d'escriture ». De retour à Anvers, en 1563, Plantin racheta ces lettres à Loe, et d'une note retrouvée dans ses registres, il ressort que c'était bel et bien des civilités Granjon. Voici cette note : « Octobre 1563. Lettre médian façon d'escriture taille de Gran- jon débiteur par casse fl. 61,5. J'ai receu en payement d'argent comptant de Jehan Loe 162 lb. pesant de lettres façon d'escripture que ledict Loe avait achapté en la vendue faicte par l'Amman des biens de Plantin (1) ». (1) Musée Plantin, Archives, Reg. III, fol.i.