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      Elle me regarda, un peu défiante, craignant l'ironie qui fait si mal aux
âmes affectueuses. Elle dit pourtant :
      — Mais oui, Monsieur ; cela date de la mission des Pères Francis-
cains, voilà une quinzaine d'années.
     — Vous ne me l'aviez point dit, Monique, et vous avez eu tort, car
nous nous serions souvent entretenu de votre saint.
      — Je ne croyais pas que cela vous intéressait. Vous connaissez
donc saint François d'Assise?
     — Mais oui, Monique, et si vous voulez, je vous prêterai des livres
qui racontent la vie du saint.
     — Je veux bien, Monsieur. Je ne lis pas facilement et mon cœur
me suffit à l'aimer, mais je serai bien contente de lire vos livres. La vie
de saint François est si belle que j'en ai souvent pleuré malgré moi.
Il était si pauvre et si bon, et il aimait tant ceux qui souffraient !
     — C'est un grand saint, Monique, parce qu'il a beaucoup aimé et
parce qu'il était poète, et c'est peut-être bien la même chose car il n'y
a pas de poésie sans amour. Voyez-vous, Monique, cette rose et ces abeil-
les qui l'entourent? comment les décrirais-je, comment les chanterais-je
si je ne les aime pas et si je n'ai pour elles une ardente sympathie? Or
votre saint avait un cœur à aimer l'univers, aussi bien l'eau qui coule
que l'homme qui peine, et c'est pourquoi ses paroles et ses accents
faisaient frémir les oiseaux et s'attendrir les hommes.
      — Oh! certes, Monsieur, on m'a dit qu'il prêchait aux hirondelles
et leur apprenait à louer Dieu. Mais on nous dit encore que les animaux
n'ont point d'âme! Vous, Monsieur, que m'en direz-vous?
      — Je vous dirai, ma chère Monique, qu'il est, dans l'Eglise de Dieu,
des hommes subtils et raisonneurs qui prêtent à Dieu même leurs pensées.
Ils disent bien des choses qui parfois vous étonnent et parfois vous attris-
tent, car vous savez ce que vaut l'amitié d'un chien. Mais il est aussi d'au-
tres hommes qui se défient de l'orgueil de l'esprit et pour qui tant de
raisonnements sont inutiles pourvu qu'on loue le seigneur et qu'on aime
ses œuvres. Le plus grand parmi ceux-là, c'est votre saint. Sa parole est
si chaude, son amour si brûlant, qu'après sept siècles révolus ils animent
encore le cœur de ceux qui ne vont plus à l'église de son Dieu.