Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                                   — 31 —
      — C'est pour cela, Monsieur, que j'ai tout de suite aimé saint Fran-
 çois, plus que tant d'autres saints et même des martyrs. Il me parlait
 une langue que je comprenais.
      — Parce que vous êtes bonne, Monique, vous avez tout de suite
 aimé celui qui parlait de bonté. Et n'est-ce pas le meilleur enseignement ?
 Tous les autres se déforment à passer dans les esprits et le meilleur peut
 susciter le mal. Etre bon, s'aimer, sympathiser, voilà qui est clair et voilà
 qui va loin, puisqu'enfin nul être ne nous livre un peu de lui-même
 que si nous nous penchons sur lui avec piété, que si nous soulevons les
 pétales de son âme avec des mains de douceur et d'amour.
      — C'est sans doute parce qu'il était si bon qu'il put contempler
 Jésus et sa mère et que notre Seigneur lui imprima ses plaies sur le corps.
      — Il se peut, et c'est alors un grand enseignement donné aux hommes.
 Ceux-là sont plus près de Dieu qui sont capables d'amour et qui ne se
soucient que d'être bons».
      Nous disions ainsi. La fluence de l'eau et le murmure des peupliers,
les bruits du chemin et l'odeur des roses, tout se faisait calme et mesuré,
tout s'unissait en une rare harmonie où concouraient nos âmes. Et ce
jour où l'été finissant se vêtait enfin de soleil et d'azur, ce jour m'était
infiniment doux, doux et triste à la fois comme une femme qui ne connaît
l'amour qu'aux heures tardives et qui dans la joie des premiers baisers
pressent douloureusement qu'ils seront éphémères.
      En des silences de recueillement s'évoquaient en nous les heures
merveilleuses de cet admirable xm e siècle, où brilla saint François,
comme la fleur délicate et parfumée de la douceur et de l'humilité chré-
tienne. Ce qui était venu de l'Eglise d'autrefois jusqu'à cette servante,
ce qui nous baignait l'âme de tendresse, ce n'étaient pas les splendeurs
d'Innocent, ni la fougue de Boniface, c'était la pauvreté de François
d'Assise et les paroles éternelles qu'il avait dites aux oiseaux des champs
et aux aimables tourterelles.
      D'ailleurs il est bien qu'il en soit ainsi. Le plus beau miracle, celui
qui porte indubitablement la marque divine, celui qui ne peut être l'œuvre
que d'un élu, c'est de pouvoir approcher les oiseaux et parler aux cigales.
Les animaux, mieux que les hommes, discernent les saints aux grandes