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              HEURES DE SEPTEMBRE

      Lorsque j'entrai dans le jardin, Monique était parmi ses rosiers.
 Avec des gestes mesurés, elle écussonnait un églantier, et ses vieilles
 mains, fermes et nues, où s'amenuisait la dentelle des veinules sous le
 parchemin transparent de la peau, se faisaient agiles et prudentes devant
 la menace des épines. Elle entendit résonner la grille mais ne releva la
 tête que quand elle eut noué la laine autour de la branche. Ses yeux
 m'accueillirent alors d'un long regard de sympathie comme on n'en voit
 qu'aux bons chiens ou aux humains dont l'âme est simple et belle.
      « Monique, lui dis-je, je passais par votre rue et je suis entré pour
 un moment. Je ne vous dérange pas?
      — Oh ! mais non, Monsieur. Depuis la mort de ma pauvre maîtresse,
je me sens bien seule, et vous êtes toujours le bienvenu. Je vous demande
seulement d'en finir avec cet églantier.
      — Je veux même vous aider, Monique. Je vais vous tenir les bran-
ches.
      Je me plaisais à sentir le calme de ce jardin m'envahir peu à peu
avec l'odeur des roses, et je désirais que mon âme, pour un temps au moins,
fût à l'unisson de ce jardin paisible et de cette servante bonne et résignée.
      — Voici deux jours que le soleil se montre. Nous n'y étions plus
habitués et cela paraît bon.
      — Certes, Monsieur ; mes rosiers en avaient besoin. Voyez comme
il y a des abeilles!
      Elle avait terminé. Selon notre coutume, elle m'entraîna vers un
banc, au bord de l'Airelle qui baignait le jardin. C'est là que nous cau-
sions, avec autant de calme que la rivière coulait, des abeilles et des roses,
des légumes du potager et du jasmin de la barrière. Mais ce jour-là je
savais que nous oublierions l'heure et que le soir viendrait sur nous.
      — On m'a dit, Monique, que vous étiez du Tiers-Ordre de saint
François. Est-ce vrai?