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346 POÉSIE.
Mais j'ai -vu, dans ces lieux où la Vanité siège
Soudain s'évanouir l'orgueil et-les faux bruits;
J'ai vu, près du chevet que la Mollesse assiège,
Veiller la troupe des Ennuis.
Où donc es-tu, Bonheur? peut-être dans la gloire,
Hochet éblouissant, aux mobiles reflets,
Ivresse qui nourrit sa fièvre aléatoire
Sous le chaume comme au palais ?
Mais trop souvent j'ai vu cet impuissant délire,
Ce rêve du génie aux jours de liberté,
Échanger, pour la palme ardente du martyre,
Celle de l'immortalité.
Es-tu donc sur l'autel où le poète élève
Son encens, pur hommage aux célestes clartés,
Cet holocauste humain, consacré par le rêve
Aux divines réalités ?
Mais le besoin accourt, comme l'eau sur la flamme,
La poésie, hélas ! n'a pas de lendemain ;
Et j'ai vu convertir ces effluves de l'âme
En cris de colère et de faim.
Serais-tu dans l'amour? l'amour, ce doux mystère,
Dialogue muet, silence plein de mots,
Où le cœur sur un cœur palpite, et, sur la terre,
Trouve de célestes échos ?
Mais trop souvent encor j'ai vu, folle chimère,
L'amour prendre son vol sur l'aile des plaisirs,
Et, lentement, j'ai vu son ardeur éphémère
Expirer au sein des désirs.