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                 VU CHEVAMER DE BOUFFLERS.                    324

  LA COMTESSE. VOUS imaginez-vous, par hasard, que je le sais ?
  LE MARQUIS. Il vous a dit sans doute qu'il avait retrouvé son
Aline ?
  LA COMTESSE.   Won.
   LE MARQUIS (appuyant). Ce n'est pas une paysanne.
    LA COMTESSE. Vraiment?.. Qu'est-ce donc alors?
   LE MARQUIS. Mais, on ne sait pas au juste ; les suppositions
vont leur train, c'est peut-être une femme du monde, comme
l'affirmait tout à l'heure encore M. de Lornange. Du reste, je
pourrai bientôt satisfaire votre curiosité, puisque dans une heure
toute la ville connaîtra les traits de la belle héroïne.
    LA COMTESSE. Comment cela , s'il vous plait?
    LE MARQUIS. Voici l'explication de ce petit mystère : Boufflers,
vous ne l'ignorez pas, dessine fort bien, et de plus il possède
une mémoire si fidèle, si merveilleuse, qu'il peut tracer, rien
que de souvenir, le portrait parfaitement ressemblant des per-
sonnes qu'il a vues une fois. Or le soir même de sa rencontre avec
 Aline, l'imagination encore toute pleine de ce souvenir il s'est
 empressé de fixer sur le papier cette image adorée; voilà du
 moins ce qu'il racontait hier au soir chez madame de Givray.
    LA COMTESSE. Ainsi, non content d'avoir mis hier toute la ville
 dans la confidence de sa soi-disant bonne fortune, cet amant
 discret va aujourd'hui révéler à tout l'univers les traits de sa
 bien-aimée         Oh! marquis, je n'ose dire ce que je pense
 d'une semblable façon d'agir. Monsieur de Boufflers devrait
 rougir, lui un gentilhomme.
     LE MARQUIS [à part). Comme elle s'enflamme. [Haut.) Ne l'ac-
  cusez pas ainsi, comtesse ; Boufflers peut être léger et inconsé-
  quent, mais il est incapable d'une action basse et indigne d'un
  homme d'honneur. Si ce. portrait est livré à la publicité il n'y a
  nullement de sa faute. Voici comment la chose s'est passée :
  ainsi que je vous le disais, Boufflers s'est vanté étourdiment
  de posséder le portrait de son héroïne ; ce portrait, tracé à la
  hâte le jour de l'événement, avait été laissé par lui, avec
  ses autres papiers, ici même à Nancy dans le pavillon où
  loge encore aujourd'hui le chevalier. Or, le vicomte de Lor-
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