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DU CHEVALIER DE B0UFFLEÃ1S. 311 du lieu où il sera le soir. Si je suis venu d'aussi bonne heure c'é- tait précisément pour vous prévenir et solliciter de vous un con- sentement qui ne me semblait pas douteux. LA COMTESSE. Vous ne l'aurez pourtant pas... Sonnez et dites que je ne veux recevoir personne. LE MARQUIS. Mais Boufflers sait que je suis ici, et ne pas le rece- voir c'est lui faire un sanglant affront. Quel parti prendre? Com- ment faire? LA COMTESSE. Comment faire?.., Comme vous voudrez. C'est votre faute aussi. Ah! une idée, courez à son hôtel et dites-lui... dites-lui ce qu'il vous plaira. LE MARQUIS. J'y cours, comtesse; mais vous me placez dans une position bien... désagréable, et franchement convenez que Boulflers n'est pas aussi coupable, aussi impardonnable. . LA COMTESSE [le regardant d'un air courroucé.) Impardonna- ble, vous dis-je, impardonnable, (Le marquis .salue et sort.) SCÈNE III. LA COMTESSE, SEULE. Que d'émotions, que d'événements extraordinaires et inatten- dus! Me voici seule enfin, tâchons de nous y reconnaître un peu. L'été dernier, travestie en paysanne et un pot au lait sur la tête, comme la Perrctte de La Fontaine, je traversais le petit vallon du parc de Blamont, lorsque, au détour d'un bouquet de saules, je suis accostée par un jeune et joli cavalier qui avait mis pied à terre II m'adresse quelques questions; fidèle à mon rôle, je lui réponds avec l'accent et le langage d'une villageoise Encouragé par mon air naïf, le jeune gentilhomme devient plus audacieux, il m'adresse un compliment, je lui réponds par une révérence; il veut me prendre la main, je la retire ; il s'élance et veut m'embrasser, oh ! alors... irritée, exaspérée de son audace... je lui allonge, Dieu me pardonne, un soufflet... mais là un vrai soufflet... comme une paysanne que j'étais. Rien que d'y songer la main me fait encore mal. — Qui n'a pas vu à cet assaut inattendu la mine piteuse et déconfite du pauvre ca- valier, n'a rien vu... Ah ! ah! ab ! j'en ris encore, d'autant plus