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UNE AVENTURE DU CHEVALIER DE BOUFFLERS. 301 La COMTESSE. Oui, le mal du pays, et peut-être un autre mal aussi que j'appellerai le mal du mariage , car , entre nous, il te tarde fort d'épouser André, le jardinier de ma tante , auquel tu étais déjà fiancée l'année dernière lorsque nous habitions ce beau château de Blamont que tu regrettes tant. Ai-je deviné? ALINE. Dame je ne veux pas contredire madame la com- tesse.... puisqu'elle le dit il faut bien que cela soit... Eh puis, madame la comtesse sait bien que je n'ai rien de caché pour ma marraine, si bonne, si indulgente. La COMTESSE. Ce sont là de louables sentiments; aussi tu en seras récompensée. Je puis t'assurer, dès aujourd'hui, que ton mal finira bientôt. Tu sais que je m'intéresse à toi et à ton pré- tendu qui est un brave garçon. Bien que je n'eusse que cinq ans lorsque je t'ai tenue sur les fonts baptismaux , je ne m'en crois pas moins obligée de remplir envers toi mes devoirs de marrai- ne.... Si j'ai retardé ton mariage, c'est un peu par égoïsme,mais tu n'y perdras rien... Tu m'étais nécessaire , indispensable. Je déteste ces soubrettes intrigantes et friponnes si à la mode au- jourd'hui, et parfois si compromettantes. Jeune encore, entière- ment libre de mes actions depuis la mort du comte, passablement courtisée, il me fallait une suivante ou plutôt une compagne fi- dèle et dévouée comme tu l'es. M'en veux-tu beaucoup d'avoir ainsi dérangé, ou du moins retardé l'exécution de tes projets? ALINE. Oh! pour cela, non, vous en vouloir... Madame la com- tesse est trop bonne, mille fois trop bonne. La COMTESSE. Dans quelques jours tu seras libre; aussitôt mon union avec le marquis conclue, nous irons à Blamont, chez ma tante, célébrer ta noce, nous inviterons tout le pays, ce sera une occasion de s'amuser. ALINE. Ah merci ! ma marraine, ma chère marraine ! Pardon, je voulais dire madame la comtesse. La COMTESSE. Appelle-moi ta marraine, ce nom familier me rappelle un heureux temps de simplicité et de plaisirs purs. ALINE. Oh ! oui, un temps bien agréable et bien amusant, lorsque dans le beau parc de Blamont nous jouions aux pastora- les, comme vous appeliez cela.