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A PROPOS HU MONT PILAT. 203 Après tout, que le phénomène se fasse bonnet ou cha- peau, le miracle n'a rien qui doive surprendre. En ces siècles positifs où le voile adoré des illusions s'efface si tristement sur chaque chose, quel miracle incroyable cette récente métamorphose nous révèlerait-elle ? Oui, Quel miracle ? Jupin, qui revêt toute forme, Excessive ou petite, admirable ou difforme, Qui se fait or, poisson, aigle, cygne, taureau, Jupin ne peut-il pas se changer en chapeau? Quoi qu'il en soit, nos Ausoniens , qui possédaient ab ovo le terme pileus, auraient cru profaner une cime quel- conque du site déjà sacré de la ville éternelle, en se la représentant affublée de leur bonnet au moment redoutable où s'y manifestait, éclatante et sévère, l'ire du puissant fils de Saturne. Ce furent nos ancêtres du moyen-âge qui s'avisèrent les premiers de la métamorphose. Fils aînés des Celtes et leurs héritiers directs,ils en répudièrent, après l'avènement du christianisme, les dieux d'abord, les idiomes ensuite. Pour eux, le Laoch neulach devint la populaire coiffure dite en leur temps capel ou ohapel; et cette expression, relativement moderne , n'assigne pas à la substitution plus de mille à douze cents ans d'âge. Puis, vinrent les étymologistes latinisants des XVIe et XVII e siècles. Or, comme l'appellatif Pilât ou Pilate désignait l'une des cimes à chapeau , ces savants, dont quelques-uns sont illustres, crurent leur conscience engagée à le dériver de pileatus « enchaperonné, » sans faire attention que , hors et loin des dépendances de la langue latine, et de tagnes, les nuages chargés d'électricité, les aurores boréales, les étoiles fi- lantes, etc.