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A PROPOS DU MONT PILAT. 201 on me fit remarquer dans le ciel de petites taches flocon- neuses, à demi-transparentes, et semblables à de légères fumées. Ces vapeurs accouraient de divers points de l'ho- rizon, comme si quelque ange leur eût donné le mot d'ordre, vers le Puy-de-Dôme, le géant du groupe volca- nique d'alentour. A peine arrivées, elles tournoyaient un instant autour de la haute cime, puis se fixaient pressées par l'afflux et condensées par la juxta-position de nou- velles arrivantes. Le chapeau se trouva bientôt fabriqué, noir, dense, opaque, chargé d'une averse. Je n'ai pas vu que de loin la surprenante fabrique : le lendemain ou le surlendemain, dans l'après-midi, je me suis trouvé au beau milieu de l'officine, en plein Puy-de-Dôme, et je me rappelle encore quelle pluie fine et glaciale me pénétrait la chair et les os, distillée par la coiffure du géant deve- nue un très-vulgaire broiiillard. Je puis donc en parler avec la conscience d'un témoin oculaire, sinon avec l'auto- rité d'un juge compétent. Entièrement vôtre, celle-ci, Monsieur, vous appartient : elle s'exerce sur le domaine illimité d'Uranie, la muse divine de l'éternelle évolution des choses ; aussi m'empressé-je de retourner à mon humble question, c'est-à -dire à mon chapeau. Ce chapeau n'est pas de date récente; non moins âgé que la terre, il a laissé dans l'enchaînement des traditions un souvenir aussi vieux que les premiers humains grou- pés en société. C'est le « Jupiter assembleur de nuages » des épopées homériques. Ce Jupiter, vous vous en souve- nez, a reçu de l'habile pinceau de Virgile une physiono- mie dont Buffon, Laplace ouHumboldt, ces grands pein- tres , n'auraient pas désavoué la ressemblance. On se croirait en face du Puy-de-Dôme , à l'heure solennelle où quelques-uns des enfants d'Eole procèdent et S£t coiffure.