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439 pas qu'on nous donne des seringues , dit le chansonnier ver- nisseur ; je veux essayer les pieds de mouton. On apporta de la poudre, il chargea les deux pistolets et sortit. Les deux champions et l'autre témoin achevaient la bouteille sans trin- quer lorsqu'ils entendirent deux fortes détonnations. César essayait les pistolets par une croisée. Ils sont bous , dit-il en rentrant ; ils ne rateront pas ; pliez-moi ça dans une ser- viette et partons. A l'extrémité du Champ-de-Mars , avant d'arriver à la ga- lerie de bois qui supporte les rails où courent les wagons chargés de houille , il y avait alors une chaussée de gravier, élevée de cinq à six mètres au-dessus du sol, aussi large que haute, qui commençait par un talus d'une pente fort raide et s'avançait vers la Mulatière. Ce fut au pied de cette chaussée, aujourd'hui disparue dans le remblais du Champ-de-Mars, que le groupe s'arrêta. César compta vingt-cinq pas, et marqua chaque place par un cail- lou ; puis, après avoir cherché dans son gousset vide, il emprunta un écu de cinq francs qui devait décider à qui ap- partiendrait le droit de tirer le premier. Le sort favorisa l'ad- versaire de son bourgeois. Des deux combattants, l'un tournait le dos au Rhône ; l'autre à la Saône ; la chaussée de gravier était couverte de tous les buveurs du cabaret, venus pour voir le combat ; quelques curieux les avaient suivis , puis les ouvriers de la gare, les forgerons, les charpentiers du che- min de fer étaient accourus ; la galerie était belle. Il y avait bien deux cents personnes. César s'approcha de son homme : Diable , lui dit i l , ça commence mal ; aussi quelle idée d'aller demander tête ; c'est toujours pile qui vient dans ces cas-là . — Si j'avais su. — Il tire bien ; mais c'est égal, il faut se conduire en brave; n'allez pas faire l'enfant au moins. — Soyez tranquille. — Le malheureux était bien pâle. — Si au moins vous tiriez le premier ! Vous êtes dans une