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 étant d'un beau brun marseillais, à physionomie vive et irré-
 gulière.
    Comme c'était tout-à-fait un homme rangé, il n'oublia pas
 la combinaison précédente ; et ne doutant point que l'abonne-
 ment payé pour la première femme ne dût servir pour sa
 seconde, huit mois restant à profiter du spectacle, il voulut
 faire d'une pierre deux coups. Un soir monsieur et madame se
présentent hardiment devant la porte d'entrée, quittance du
directeur en poche. On veut passer ; le contrôleur (je devrais
dire le portier, c'était le titre alors) refuse cruellement d'ad-
mettre le couple. « Les abonnements sont personnels, dit-il,
ils ne peuvent être transmis. » Le mari insiste, la quittance
fait preuve, elle est en faveur de M™ R***; c'est Mm« R*** qui
se présente : elle réclame son droit, elle entrera. Le contrô-
leur reste inflexible.
    Cependant les habitués s'étaient arrêtés pour écouter ; la
foule grossissait ; on est bientôt au fait de la discussion, et
plusieurs jeunes gens distingués de la ville se trouvant là ,
M. R*** s'adresse à eux.
   — "Voyez donc, messieurs , quelle injustice on me fait! j'ai
payé l'abonnement de ma femme, et j'amène ici ma femme ;
à la vérité ce n'est pas la même qui devait en jouir, il y a
quatre mois , elle n'en profita pas plus de douze fois , mais je
suis en règle , voilà ma femme.
   Ceux à qui il s'adressaient ne savaient trop que répondre à
ce raisonnement d'une espèce nouvelle. Le mari insis-
tait, voulant un jugement qu'il pensait être une approba-
tion.
   — N'êtes-vous pas de mon avis, vous, monsieur, conli-
nua-t-il, s'adressant alors directement à un jeune homme
de la ville, connu par ses reparties plaisantes et son sang-
froid.
   — Moi, monsieur? parfaitement, répond celui-ci; c'est
une injustice criante, soutenez fermement votre droit, il est
incontestable ; car moi qui vous parle, je suis abonné au