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126 Rien de plus juste que ce jugement, cette critique et ces observations. Mais remarquez bien que le Déraostbène fran- çais loue sans restriction les vers de M. Bérenger dans ses Soirées provençales.Ea effet, Messieurs, c'est à eux surtout qu'il dut toute sa réputation de troubadour. Cet ouvrage lui assigna un rang élevé dans la littérature, et lui fit prendre place dans les Académies de Toulon, Marseille , "Vaucluse, Nîmes, Bordeaux, Lyon, Rouen, Bourg, Besançon et Col- mar, ainsi qu'à l'Institut. Une imagination douce, une grande facilité d'écrire et beau- coup de complaisance multipliaient ses pièces fugitives ; il ai- mait à en composer pour l'auteur de la musique de Pygmalion, son ami, notre confrère, Horace Coignet, qui, la lyre à la main, l'a devancé de peu d'instants chez les morts. Je n'ap- pellerai particulièrement votre attention sur aucune de ces productions légères, mais je la fixerai sur leur ensemble dans le recueil de poésies» édition de Cazin, deux volumes in-18. C'est là qu'on peut aussi juger le talent poétique de M. Bé- renger ; car, depuis vingt ans , on ne le relrouvait plus tout entier dans ses nombreuses pièces de circonstances. Elles ren- ferment bien toujours des mouvements hardis, quelques élans de verve, des rapprochements piquants, des expressions pit- toresques et beaucoup d'idées : mais ces idées sont disparates, incohérentes et bizarres. On était fâché de voir un si bel es- prit se survivre à lui-même ; il lançait encore des étincelles, mais combien de vapeurs en obscurcissaient l'éclat! L'imagi- nation , la fantaisie, le caprice entraînaient le poète ; il s'é- lançait au-delà des bornes ; le goût, ce jugement exquis , l'a- vait abandonné, et le goût, fleur délicate , est comme l'hon- neur des femmes ; on ne peut le recouvrer quand il est perdu. Quelquefois même il semblait s'apercevoir de l'affaiblissement de ses facultés poétiques ; alors il faisait ses adieux aux Muses qui le boudaient : Adieu, déesses de la rime !