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   Rien de plus juste que ce jugement, cette critique et ces
 observations. Mais remarquez bien que le Déraostbène fran-
 çais loue sans restriction les vers de M. Bérenger dans ses
 Soirées provençales.Ea effet, Messieurs, c'est à eux surtout
 qu'il dut toute sa réputation de troubadour. Cet ouvrage lui
 assigna un rang élevé dans la littérature, et lui fit prendre
 place dans les Académies de Toulon, Marseille , "Vaucluse,
 Nîmes, Bordeaux, Lyon, Rouen, Bourg, Besançon et Col-
 mar, ainsi qu'à l'Institut.
   Une imagination douce, une grande facilité d'écrire et beau-
 coup de complaisance multipliaient ses pièces fugitives ; il ai-
mait à en composer pour l'auteur de la musique de Pygmalion,
 son ami, notre confrère, Horace Coignet, qui, la lyre à la
main, l'a devancé de peu d'instants chez les morts. Je n'ap-
pellerai particulièrement votre attention sur aucune de ces
productions légères, mais je la fixerai sur leur ensemble dans
le recueil de poésies» édition de Cazin, deux volumes
in-18.
   C'est là qu'on peut aussi juger le talent poétique de M. Bé-
renger ; car, depuis vingt ans , on ne le relrouvait plus tout
entier dans ses nombreuses pièces de circonstances. Elles ren-
ferment bien toujours des mouvements hardis, quelques élans
de verve, des rapprochements piquants, des expressions pit-
toresques et beaucoup d'idées : mais ces idées sont disparates,
incohérentes et bizarres. On était fâché de voir un si bel es-
prit se survivre à lui-même ; il lançait encore des étincelles,
mais combien de vapeurs en obscurcissaient l'éclat! L'imagi-
nation , la fantaisie, le caprice entraînaient le poète ; il s'é-
lançait au-delà des bornes ; le goût, ce jugement exquis , l'a-
vait abandonné, et le goût, fleur délicate , est comme l'hon-
neur des femmes ; on ne peut le recouvrer quand il est perdu.
Quelquefois même il semblait s'apercevoir de l'affaiblissement
de ses facultés poétiques ; alors il faisait ses adieux aux Muses
 qui le boudaient :
             Adieu, déesses de la rime !