Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                               198
moyen consiste à former des sociétés verbales, plus ou moins
nombreuses , par suite desquelles le lait recueilli par les con-
tractants est apporté dans un seul chalet désigné. Chacun
d'eux fabrique le fromage à son t o u r , et le prix de la vente
du produit est distribué à chaque associé en proportion du lait
qu'il a fourni. M. Charles Fourrier, dont ces bons Jurassiens
n'ont jamais entendu p a r l e r , ne connaît peut-être pas cette
heureuse application de sa Théorie sociétaire. •— Nous pas-
sâmes devant l'église de Morey^ remarquable seulement en
ce qu'une pente de son toit envoie les eaux pluviales dans la
Méditérannée, tandis que l'autre les envoie dans l'Océan.
Enfin, nous arrivâmes à une prairie, au milieu de laquelle
était planté un bloc de pierre noirci par le t e m p s , sur lequel
 on voyait d'un côté les armes du canton de Vaud , de l'autre
 un bonnet phrygien !... C'était la limite du sol Français indi-
 quée en regard de celui-ci par un sceau authentique q u i , ainsi
 conservé et offert à nos yeux en pareille occurence , ne deve-
 nait pour n o u s , républicains fugitifs, qu'une assez étrange
 dérision. La vue de ce témoignage encore existant d'un passé
 qui eût pu devenir si beau^ ajouta à la tristesse involontaire
 des réflexions générales que le premier pas fait sur le sol
 étranger avait soulevées en nous.
  Après une heure de m a r c h e , nous étions entrés dans une
forêt pour tourner un dernier poste de gendarmerie. Nous
suivions silencieusement, sous des taillis fort touffus, un cou-
loir que les eaux avaient c r e u s é , lorsque tout-à-coup, et sans
que notre guide nous en eût prévenus , la forêt cessa et nous
nous trouvâmes au point le plus élevé de la grande route qui
serpente sur le versant oriental du Jura. Le soleil était d'au-
tant plus resplendissant que le ciel était absolument sans
nuages. Devant nous s'ouvrait un immense horison. Je portai
ma vue en avant, et je ne vis qu'une sorte de nuée bleuâtre
dans laquelle s'agitaient des objets blancs. Tout ébahi, je
cherchais à me rendre compte de cette vision, lorsque mes
yeux se familiarisant avec la vivacité de la lumière du soleil,