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  servaloire me frappa. J'avais vu bien des hommes , simples.
 de goût et de mœurs , se plaire aux gentillesses d'un chat,
 au langage d'un sansonnet, aux caresses d'un chien, au
  chant d'un rossignol, au silence à peine remuant d'une petite
 tortue, au sautillement d'une pie ou d'un merle ; mais je n'a-
 vais encore rencontré personne vivant dans l'intimité d'une
 grenouille. Le concierge-limonadier de la tour s'est donné
 cette compagnie. La batracienne créature au dos v e r t , aux
 gros yeux saillants, à l'air stupide et étonné, vit dans un bo-
 cal de pharmacie au fond duquel est une certaine quantité
 d'eau très claire et très soigneusement renouvelée ; son maî-
 tre a voulu lui donner l'illusion d'un rivage pour respirer, un
 peu de verdure pour lui rappeler les roseaux du marais, sa
 première patrie, et voici ce qu'il a inventé : il a placé dans
 le vase de sa captive une branche de lierre et une échelle de
 bois noir, bien travaillée. Celte parodie est bien singulière }
 et je ne sais rien de plus bouffon que la grenouille montant
 à l'échelle quand elle s'ennuie de la partie liquide de ses do-
 maines, La reinette a un petit nom, un nom d'amitié auquel
 elle répond à sa manière ; je l'ai oublié.
    En montant le Chemin-Neuf, je m'informai à madame D..
 si le père Guèrin vivait toujours ; elle m'apprit sa mort. Ce
père Guérin était un marchand A'ex-voto , de chapelets , de
cierges , de bouquets et d'autres objets que la piété des fidè-
les consacre à l'autel de la Yierge ; et comme ce commerce
n'était pas fort lucratif, à trois heures il fermait sa boutique,
remplaçait son bonnet de coton par une perruque poudrée ,
et allait au théâtre des Célestins jouer le compère de Jocrisse
ou un bon oncle de mélodrame. Je ne sais si le négociant en
amulettes a échappé à la damnation qui frappait le comé-
dien , nous verrons cela au jugement dernier.
   Des cœurs, des têtes , des jambes , des b r a s , des pieds ,
des mains en cire , sont les simulacres vulgaires que les ma-
lades appen'dent aux murailles des chapelles en réputation.
J'en ai v" partout; nos devanciers dans les croyances supers*