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228 une batterie réduisait en cendres les premières maisons de la grande rue de la Guillotière ; des tourbillons de flammes qui allaient se perdre dans les nues, sortaient comme une masse immense et épouvantable de vingt bâtiments continus qu'elles dévoraient à la fois ; de la tête orientale du pont Lafayette, une autre batterie bombardait le quartier des Cordeliers où une maison a également été détruite de fond en comble ; et sur la Saône, le pont Chazourne et un ba- teau de foin brûlaient en même temps. L'horreur de ce spectacle, l'incertitude où nous étions sur la durée d'une lutte qui causait de tels malheurs, et qui pouvait en ame- ner de plus grands encore ; tout nous glaça d'effroi ; nous descendîmes sans pouvoir dire un mot; et chacun de nous retourna, triste et consterné, à l'exercice des fonctions qui lui étaient dévolues. Des affaires urgentes et le besoin d'avoir des nouvelles de plusieurs amis , me déterminèrent, chaque jour de cette fatale semaine, à sortir pendant quelques heures. Quoique muni de laissez-passer délivrés par les diverses autorités , mes excursions dans les quartiers occupés parla garnison,comme dans ceux que les ouvriers avaient envahis n'étaient point sans danger, et, plus d'une fois, des officiers m'ont dit : « Puis^ « que vous avez un permis du général, allez ; mais si ce « morceau de papier vous garantit d'une balle , tant mieux » pour vous.» Je visitai souvent la place des Cordeliers. Les combattants y étaient un peu plus nombreux que le premier jour; quel- ques ouvriers armés paraissaient, de temps à autre , sur les toits, principalement sur celui delà maison n° 25, qui fait face au portail de l'église de Saint-Bonaventure ; il y avait là une demi-douzaine d'hommes au plus. L'un observait les mouvements des troupes, à l'aide d'une lunette qu'il dirigeait le plus souvent sur les hauteurs qui dominent le centre de la ville, à l'ouest et au nord. Les autres, parfaitement abrités par une maison voisine plus élevée de quelques pieds, voyaient