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583 que fêtais au contraire très-fâché de le trouver en ce lieu. Le pauvre PèreBilet m'embrassa, et tant que je fus obligé d'al- ler à la prison, il ne cessa de me combler de caresses. Con- damné à quelque temps de là , et fusillé aux Brotteaux, la nouvelle de sa mort me fit une certaine impression. « Le Père Bile t passait pour un homme d'esprit et de sa- voir , et cependant combien ne se trompait-il pas sur les dis- positions d'un enfant à son égard ! Philosophes présomptueux, qui pensez follement avoir la clé du cœur humain et de ses mystères ; faiseurs de maximes à la manière de Laroche- foucaud, qui croyez que rien n'échappe à votre débile vue, réglez-vous sur la sagesse de cet ancien dont j'ai parlé il n'y a qu'un instant. « Vers les derniers jours du mois de vendémiaire, an n , mon père fut arrêté et enfermé dans le cloître des dames religieuses de l'Abbaye de Saint-Pierre. Les arcades de ce cloître n'étaient pas à celte époque ouvertes comme on les voit aujourd'hui; chacune d'elles était garnie d'une grande porte vitrée , en bois de chêne , et l'on avait fait une espèce de prison de la partie de la galerie qui va de la principale porte d'entrée à la statue en plâtre &Apollon. Cette prison était véritablement une prison pour rire : mal fermée par. les portes vitrées dont je viens de parler, et par de mauvaises cloisons en planches placées aux deux extrémités de la gale- rie, il ne fut pas difficile à plusieurs prisonniers, notamment à l'agent de change Daussigny, de s'en échapper un jour. Lorsque mon père y fut déposé, le nombre des prisonniers était à peu près de cinquante. Ils couchaient à terre sur des matelas et dans des couvertures de laine qu'ils avait fait ap- porter de chez eux. « L'évasion de Daussigny et 4e quelques autres fit trans- férer le reste des prisonniers à l'ancien couvent des Becluses, rue Saint-Joseph, dont on avait déjà essayé de faire «ne pri- son le lendemain de la journée du 29 mai. Mon.père.fut donc du nombre des transférés, et les commissaires de la