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on ne peut mieux ce qui se passait aux Brotteaux, et ti-
 raient presque sans aucun risque, dans la direction du pont
 Lafayette. Un tambour qui battait, tantôt la générale , tantôt
 le rappel, parcourait les rues environnantes, et le tocsin
 ne cessait de se faire entendre. L'un et l'autre n'ame-
 naient guères de nouveaux combattants ; mais tout ce bruit
 pouvait de loin donner à penser qu'il y avait sur ce point
beaucoup plus de monde qu'il ne s'y en trouvait réellement;
et sous ce rapport les insurgés atteignaient en partie leur but.
    Le 10, en allant demander un laissez-passer au quartier-
général, je traversai la place Louis-le-Grand, l'une des plus
vastes de France, et sans contredit le plus bel ornement de
notre cité. Je n'y avais jamais vu les troupes qu'aux jours de
grandes revues, au milieu d'une population immense, cu-
rieuse d'admirer leur belle tenue, la régularité et la préci-
sion de leurs manœuvres. Mais alors cette place présen-
tait un aspect tout autre , et qui excitait une émotion bien op-
posée. Ces troupes étaient là campées comme au milieu d'un
champ de bataille, et repoussaient par le canon et la mi-
traille ce même peuple dont jadis elles étaient heureuses
et fières de se voir entourées !.... Quel empire n'ont donc pas
sur l'armée française, le sentiment de ses devoirs, l'obéis-
sance aux supérieurs , la force de la discipline et de la su-
bordination!....
   Couverte de militaires de toutes armes , de canons, d'obu-
siers et de munitions de toute espèce , cette place était trans-
formée en un véritable bivouac. Des feux étaient allumés ça
et l à , car l'atmosphère était humide et froide ; des bara-
ques élevées à la hâte et des tranchées pratiquées sur divers
points servaient d'abri aux soldats.
   J'étais loin de penser, en examinant ce lugubre appareil
de guerre, que ma présence allait influer sur un événement
militaire d'une haute importance.
   Je demandais des nouvelles de quelques officiers , mes
amis, lorque j'aperçus l'un d'eux, M. Million, commandant