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155 « vous assèùre en vérité que nous ne passerons pas le milieu « dn pont de Saône. —Et arriva ainsi ; car estant parvenus « au milieu du dict pont, ces barbares donnèrent cinq coups « de poignard au capitaine i, et le jetèrent dans la rivière. De « là ils dirent au bon père Gaïete qu'il lui en falloit faire au- « tant; lequel respondit qu'il en estoit très content, requérant o qu'on lui permisï premièrement faire sa dévotion; et se jette « promptement à . genoux, fait le signe de la croix sur la terre « et la baise. Quoi voyant, un des enfants de Déliai lui donne & un grand coup de pied, disant: Ne scaurais-tu prier lé Sei» « gneùr sans tes superstitions? » L'insulte qui s'unit à la bar- barie n'ôlé rien à la sublime résignation delà foi. « Lui ne se « souciant ni des coups, ni des parolles, lève les yeux étles «mains au ciel, rendant actions de grâces immortelles à « Dieu de la faveur qu'il reeevoit de se voir digne demaurir' u pour la gloire de son nom, et défense de sa religion. Puis u prononçant haultèmënt sa prière si pie, si chrétienne, si « ardente, avec des parolles si doctes et pénétrantes es en- « traillcs des assistants, que la plupart fut provoquée aux lar- « mes. Lés autres de furie et de rage lui donnèrent cinq coups « de poincte de hallebarde „ et le jetèrent dans la Saône, et « ainsi rendit l'ame glorieuse à son Dieu par le martyre.... » L'an révolu, son corps fut trouvé par les bateliers « d'une «paroisse à deux lieues loin de la ville (1), au rivage du < Rhône; mais (qui est remarquable) ce corps estoit encore r « tout entier, sans estre corrompu, revestu de son habit et « ceint de sa corde. Et de là les paroissiens l'emportèrent pro- ie cessionnellemerit et l'enterrèrent fort solennellement en « leur église, d'où ils ne voulurent jamais le laisser enlever, « disant que c'étoit tout leur bonheur, et que par ses raé- « rites ils ont reçu plusieurs bénéfices de Dieu, comme cer- « tes nous le devons croire et tenir pour un bienheureux mar- «• ' t y r . ' » ;• •• '•-•;••' '-,'••••• (1) Probablement à .Vemaispii. Sacpnnay,parle d'un troisième prisonnier qui se sauva, dit-il, à la nage.