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              Adieu, charme de mes beaux jours !
              Saturne interdit nos amours,
              Nous nous en tiendrons à l'estime.

   11 parlait ainsi. Vaine promesse ! Bientôt il en revenait à
ses premières amours ; il rimait malgré Saturne., et les Muses
étonnées méconnaissaient leur ancien favori.
   Sans doute , Messieurs, nous devons regretter, nous de-
vons plaindre le talent qui s'efface et s'oublie. Mais, après la
mort, faut-il être encore la proie de ces attaques obscures et
viles auxquelles on se montra beaucoup trop sensible pen-
dant sa vie ? Il n'y a que des gens dépourvus de toute politesse
de l'esprit et du cœur qui puissent, sans rougir, insulter,
au fond de la tombe, un homme, de bien qui jamais n'in-
sulta personne, qui fut doué des facultés de l'imagination
dont ces présomptueux ignorants ne soupçonnent pas l'exis-
tence , qui remplit parmi les gens de lettres une place dis-
tinguée , et qui laisse de beaux exemples à suivre comme
les plus honorables souvenirs.
   Ainsi que chez tant de peintres célèbres, il y a deux
époques dans le talent de M. Bérenger. Il faut le juger sur
les vers de son bon temps! Là , vous trouverez de la ver-
ve , de l'harmonie, de l'élégance, une douce et-sage phi-
losophie , la touche des Laharpe, des Marmontel, des
Florianetdes Colardeau (1) -, car ces auteurs n'auraient point

    (1) Le talent poétique de M. Bérenger avait aussi quelque rapport avec
celui d'Imbert, auquel, à l'âge de 26 ans, il adressa une épitre en vers ,
insérée dans l'Almanack des Muses de 1776. M. Imbert y répondit de la ma-
nière suivante :
               Que votre Apollon gracieux
             Sait avec art débiter sa fleurette !
               Pour l'amour-propre d'un poète
             Son doux parler est bien insidieux !
          Su premier des humains, quand l'épouse nouvelle
          Mordit à cette pomme indigeste pour nous ,
          he séducteur, sans doute, en haranguant la belle,