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bien étrange. Aussi les Aristophane ne manquèrent pas à
notre Socrale. Dans une comédie (1), qu'on pourrait appeler
une nouvelle édition des Nuées (2), Palissot le faisait marcher
à quatre pattes ; le parlement brûlait ses livres ; l'archevêque
de Paris fulminait un mandement contre lui ;~Voltaire lui lan-
çait d'indécentes attaques dans son poème de la Guerre de Ge-
nève ; sa patrie elle-même lui fermait ses portes. Au milieu de
ces persécutions , il menait une existence nomade, dressant
sa lente tantôt ici, tantôt l à , oubliant ses maux pour méditer
sur ceuxderhumànité, et pour écrire l'Emile et le Contrat
Social.
   En quelque endroit qu'elles se rencontrent, les empreintes
des pas errants du philosophede Genève inspirent une émotion
mêlée de tristesse. Elles prêtent de nouveaux charmes à la
vallée de Montmorency, à Ermenonville, au bois de Roche-
cardon. Sur les rives du lac Léman, Clarens et La Meilleraie
font penser à Julie et à Saint-Preux, ravissantes figures qui
ont presque un intérêt historique, tant elles sont dessinées
avec âme et vérité. C'est peut-être dans ce .roman de la Nou-
velle Hélaïse que les souvenirs des Charmeltes se font le plus
sentir. Ces t-là qu'il y a le plus de jeunesse, d'illusions, d'amour
et d'enthousiasme. Saint-Preux, c'est Rousseau à vingt-quatre
ans, c'est Rousseau aux Charmeltes. Je n'ose dire que Mme de
Warens, cette femme aux trop faciles amours , soit de même
le type de Julie d'Etange.
   Lorsque Rousseau exhalait le chant du cygne dans les Rêve-
ries d'un Promeneur solitaire, louchantes élégies qui prouvent
si bien que le vieillard n'avait rien perdu de son trésor de
sensibilité, sa dernière pensée se reporta vers les Charmeltes
et Mad. de Warens. La dixième promenade, celle que la mort
est venue interrompre, est consacrée à ces doux souvenirs :

   (1) Cette comédie est intitulée : Les Philosophes.
   (2) Les Nuées, comédie d'Aristophane, où Socrate est violemment
allaqué.