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107 . bien étrange. Aussi les Aristophane ne manquèrent pas à notre Socrale. Dans une comédie (1), qu'on pourrait appeler une nouvelle édition des Nuées (2), Palissot le faisait marcher à quatre pattes ; le parlement brûlait ses livres ; l'archevêque de Paris fulminait un mandement contre lui ;~Voltaire lui lan- çait d'indécentes attaques dans son poème de la Guerre de Ge- nève ; sa patrie elle-même lui fermait ses portes. Au milieu de ces persécutions , il menait une existence nomade, dressant sa lente tantôt ici, tantôt l à , oubliant ses maux pour méditer sur ceuxderhumà nité, et pour écrire l'Emile et le Contrat Social. En quelque endroit qu'elles se rencontrent, les empreintes des pas errants du philosophede Genève inspirent une émotion mêlée de tristesse. Elles prêtent de nouveaux charmes à la vallée de Montmorency, à Ermenonville, au bois de Roche- cardon. Sur les rives du lac Léman, Clarens et La Meilleraie font penser à Julie et à Saint-Preux, ravissantes figures qui ont presque un intérêt historique, tant elles sont dessinées avec âme et vérité. C'est peut-être dans ce .roman de la Nou- velle Hélaïse que les souvenirs des Charmeltes se font le plus sentir. Ces t-là qu'il y a le plus de jeunesse, d'illusions, d'amour et d'enthousiasme. Saint-Preux, c'est Rousseau à vingt-quatre ans, c'est Rousseau aux Charmeltes. Je n'ose dire que Mme de Warens, cette femme aux trop faciles amours , soit de même le type de Julie d'Etange. Lorsque Rousseau exhalait le chant du cygne dans les Rêve- ries d'un Promeneur solitaire, louchantes élégies qui prouvent si bien que le vieillard n'avait rien perdu de son trésor de sensibilité, sa dernière pensée se reporta vers les Charmeltes et Mad. de Warens. La dixième promenade, celle que la mort est venue interrompre, est consacrée à ces doux souvenirs : (1) Cette comédie est intitulée : Les Philosophes. (2) Les Nuées, comédie d'Aristophane, où Socrate est violemment allaqué.