Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                                88=
de la bonne compagnie, l'épée au côté et le chapeau sous le
bras, dont sont embarrassés tant de gens, telles furent ses
instructions et mon exercice. Je m'étudiai, je travaillai ; mes
souvenirs de la cour du roi Stanislas me servirent; rentré
chez moi, entouré de mes chaises et de mes fauteuils , je me
faisais un cercle brillant et bénévole d'hommes du monde et
de jolies femmes ; ainsi que le Sosie d'Ampbitrion, je prenais
«tje quittais tour à tour plusieurs rôles ; ma voix polie , iro-
 nique ou impertinente, parlait à une femme aimable, répon-
 dait à une épigramme, et relevait une insulte ; je traitais avec
 tous mes meubles, baptisés de noms superbes , ou de beaux
.titres, de puissance à puissance, renouvelant ainsi, mais
plus sérieusement, une des scènes de mon enfance , et puis,
 j'allai porter le résultat de ces éludes à Provost, qui rectifiait,
 modifiait, ajoutait, mais ne me laissait jamais partir sans être
 encouragé.
    Enfin je domptai mon public. Mes études, ma persévérance,
 peut-être la régularité de ma conduite, me valurent des par-
 tisans. Je fus admis dans lé monde, les sociétés les plus ai-
 mables me firent accueil ; je sentais qu'il revenait toujours
 quelque chose à mon talent de ces fréquentations. Si les au-
 teurs dramatiques sont des écouteurs aux portes, il faut que
 le comédien pénètre jusque dans les salons. L'un peut trouver
 la vérité en écoutant ; pour être vrai, l'autre doit voir. Bientôt
 on me sut gré de ce commerce avec les gens dégoût, bientôt
 le parterre fut à moi ; j'allai même jusqu'à faire la conquête
 de l'abonné, ce sultan du théâtre, qui d'après une expression
 appliquée au public par Préville, semble dire : Amuse-moi et
 crève.
    Comme il s'amuse peu l'abonné ! et pourtant c'est toujours
 chez lui qu'on trouve la portion ennuyée du public, pour lui,
 le spectacle se renouvelle si rarement! L'abonné vient tuer
 le temps, tuer les acteurs , tuer les pièces. Il bâille , siffle ou
 parle. Nulle illusion pour lui ; il sait par cœur les ouvrages,
 les comédiens, il se pique même de savoir par cœur les ac-