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89 trices, car il est malin et vantard ; passez-lui cela, l'abonné n'est pas méchant, il protège, il adopte, il garantit les admi- nistrateurs et les comédiens ; voulez-vous être bien avec lui ? appelez-le le protecteur des arts, et gardez-vous bien de lui laisser deviner ce qui est su de tout le monde : c'est qu'il ne vient au théâtre que pour se dispenser du café, et se donner Molière avec le prix de la demi-tasse. Je raconterai, en forme de parenthèse, une aventure arri- vée à un abonné modèle. Je ne saurais trop dire si le fait s'est passé lorsque j'étais à Lyon , si c'est avant, ou si je l'appris ensuite ; écrivant à de trop longs intervalles de mes souvenirs, je puis garantir l'anecdote et non la date. Un négociant de cette ville, excellent homme, habile à arrondir sa fortune, attaché à sa jeune épouse, tout juste au- tant qu'il faut l'être pour ne pas oublier ses intérêts ; conci- liant d'ailleurs avec adresse la galanterie conjugale et l'éco- nomie domestique, abonna sa femme au théâtre en même temps que lui. Il y avait là -dessous toute une série de spécula- tions. La société de Lyon jouait gros jeu; par ce moyen, il mettait d'abord sa bourse à l'abri. Les cavaliers du pays se montrant galants, la vertu de sa femme était ainsi garantie des petites excitations du monde. Quinze francs par trimestre pour éviter ce double écueil ! bon placement de fouds sans doute; mais un mois toutau plus après l'acquisition de ce droit, la jeune femme mourut, bonifiant l'administration, d'après l'usage, des onze mois qui restaient. Un ménage de garçon va toujours m a l , l'intérieur d'un négociant peut moins qu'un autre se passer d'une femme ac- tive et vigilante ; l'intérêt bien entendu parlait au cœur de notre homme, au bout de trois mois de veuvage il se re- maria. J'aurais dû dire tout d'abord, que la première femme était renommée pour la blancheur de son teint et la coupe régu- lière de sa figure, en réparant l'omission, j'ajouterai que cette fois le volage changea du blanc au noir, l'épouse nouvelle