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&7 pour un auteur, quand l'œuvre est dégradée devant les ram- pes , l'homme reste dans son cabinet. Arrachez donc les épau- lettes d'un militaire, et dites-lui que l'homme est respecté ! Les sifflets étouffentplus de talents qu'ils n'en forment ; ils ne sont point un avertissement, mais une torture ; ils ont pour principal effet de faire douter de soi, d'intimider désormais le j e u , d'attiédir l'élan, d'obliger à un triste examen, et dans ce moment l à , de faire partager au comédien lui-même le pré" jugé qui jadis pesait sur lui. Et quand on songe que cet état est celui qu'il faudrait le plus encourager, puisque l'œuvre du comédien c'est lui-même j qu'il n'y a de lui que l u i , que rien n'en reste,, s'iln'estlà . Plaignez-le de la facilité qu'un miséra- ble ou un imprudent trouvé à le détruire. Je connais tel co- médien sifflé qui a dit comme Chénier : « Il y avait pourtant quelque chose là ! » Supplicié ainsi, il s'est arrêté ; il était né artiste, il est mort manœuvre, Et pourtant, il faut un moyen de répression au théâtre, di- ra-t-on? N'y a-t-il pas le silence du public, le premier et le plus utile des avertissements ? Mais s'entendre outrager ainsi L ah ! comme on se frappe la poitrine alors, comme on met la main sur son cœur pour savoir s'il y a la force d'une renoncia- tion soudaine On dit pourtantqu'il y a des gens qui s'ac- climatent! Heureusement que j'étais assez jeune pour croire à une injustice, Mme Lobreau me soutenant d'ailleurs, et mettant toute sa ténacité à donner un démenti aux siffleurs. A cette occasion même, un nommé Provost, qui jouait les premiers rôles, me tendit la main et me donna d'excellentes directions. Avec son secours, et à l'aide de ma colère, je fis des progrès sensibles, e t , comme le répertoire se renouvelait peu , et tournait sans cesse autour du même cercle, je pris bientôt une habitude de la scène et un aplomb, que peu d e personnes auraient pu me disputer. Parler sans gestes, et:se donner l'air d'un homme du monde de ce temps-là , d'un grand sei- gneur dans un salon , avec cette nonchalance, ce laisser^aller