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BIBLIOGRAPHIE 759 0 l XVIil siècle par GUSTAVE DESNOIRESTERRES . Chacun a son goût, n'est-ce pas ? Ce livre répond au mien et à la petite somme de notions historiques que la lecture a pu faire entrer dans mon cerveau. Avec lui je me trouve en pays de connaissance, en plein dix-huitième siècle, je ne lui appartiens pas à coup sûr et n'ai pas cent cinquante ans, mais élevé dans une famille qui en avait vu la der- nière période, j'ai bénéficié de ses collections, des mémoires que cite M. Desnoires- terres, Duclos, Bachaumont, Bonneval, romans plus ou moins immoraux ou bourrés de paradoxes et de facéties, duchevalier de Mouhy, de Cazotte, de Le Suire (ah, M. Desuoiresterres a oublié celui-là ! ), comédies de Sedaine, de Dorvigny, de d'Orneval, de Beaumarchais, etc. Il me semble en lisant la comédie satyrique voir ressusciter d'anciens souvenirs, et comprendre une foule d'allusions précieuses pour l'histoire de ce temps extraordinaire dont l'érudit M. Desuoiresterres, me donne la clef. C'est donc là , non seulement une sorte de lanterne magique amusante retraçant à nos yeux ébahis tout un siècle spirituel, élégant, corrompu et marchant à sa ruine ; c'est mieux que cela, c'est une étude historique, une étude sérieuse et profonde, nécessaire pour expliquer la marche fatale vers les terribles scènes de Ja révolution. Les victimes se couronnent de fleurs et marchent gaiement au supplice, quelques prophètes surgissent et indiquent le dénouement comme les deux philosophes dans l'orgie Romaine de Couture. On s'en moque, on n'y fait aucune attention et on roule plus vite sur la pente fatale. Le rideau est levé sur un des côtés de la scène où se prépare la fin de la monarchie et peut-être, hélas! de la France. Les révolutions, ou plutôt les évolutions sont dans l'ordre, car ici- bas rien n'est stable, mais la Révolution c'est autre chose, c'est une reprise de la lutte du mal contre le bien, de Satan contre Dieu, comme l'a dit M. de Maistre, et le résultat c'est la mort sur une grande échelle. La décadence de cette société parisienne commence ostensiblement avec la régence, puis sous la sauvegarde de l'esprit, de l'élégance des manières, d'une logomachie prétentieuse et sonore,le mal s'étend, la morale disparaît ; on n'ose pas s'attaquer ouvertement à la religion ni à la royauté, mais on les entoure de mines prêtes à faire explosion quand le moment sera propice; on ne croit plus en Dieu, mais on gobe les mystifications de Cagliostro et de Swedemborg, avant tout comme on est encore poli et courtois dans le langage, les attaques prennent sur- tout la forme satyrique, au théâtre et dans les écrits. Ecoutons sur ce point M. Desnoiresterres, il voit juste, met le doigt sur la plaie et ne pouvant étendre outre mesure les citations, renvoyons au livre lui-même et je suis convaincu que nul lecteur ne viendra à rencontre des éloges qu'il mérite. Il s'agit du Jansénisme: que n'a-t-on pas publié sur cette scission dont aujourd'hui on ne comprend plus ni les détails, ni la portée, ni le but, ni le bon côté destiné à cacher lepiège. Une comédie : la femme docteur, 1713, dévoile le pot aux roses. Un des acteurs,au 4 a acte,dit : « On nourrit, ou entretient dansle sein du royaume une semence de guerre ouverte et sanglante..., et ceux qui favorisent aujour- d'hui ce parti dangereux, en seront peut-être un jour, eux et leurs enfants, les premières victimes. » « Qui s'imaginerait (ajoute M. Desnoiresterres) que ces sectaires si ardents pousseraient plus qu'aucuns autres à la roue d'une révolution, dont le premier i Paris, Perrin, éditeur.