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— 571 — de la famille du Premier Consul dont il sculptera presque tous les bustes. Est-ce sous cette influence que Chinard alla s'installer à Carrare i M. Paul Marmottan a conté les péripéties de la lutte qu'il eut à y soutenir contre Sonolet, directeur de la Banque Elisiana, que la grande duchesse de Toscane, Elisa Bonaparte, princesse Bacciochi, avait chargé de ses intérêts. Chinard se défend, mais l'influence de ses détracteurs l'emporte sans peine et, une fois de plus, il doit quitter l'Italie. Ce sera d'ailleurs la dernière fois qu'il foulera ce sol où, vingt ans plus tôt, il avait puisé aux plus pures sources de l'art antique. Chinard rentre à Lyon et n'en sortira plus. Le Musée des Arts décoratifs de Paris a organisé, en 1909, une exposition rétro- spective des œuvres de Joseph Chinard. Cette exposition n'avait point à réhabiliter la mémoire de l'artiste, déjà classé, sans réserves, comme le plus sincère des sculpteurs français de l'époque impériale. Elle confirma toutefois l'opinion générale sur la valeur des œuvres de Chinard, fils des maîtres du xvm e siècle, nourri des traditions classi- ques et, fort heureusement pour lui, trop attaché aux habitudes provinciales pour accepter l'art officiel parisien. Ainsi, l'indépendance de deux provinciaux, sous des régimes d'un esprit identique — le Premier et le Second Empire — parvint-elle à fixer un type de beauté qu'évoquent les noms de Chinard et de Carpeaux. Excellent signe : spontanément, les journaux de Lyon, le Nouvelliste et le Salut Public, ont rendu compte à leurs lecteurs de la vente Vioud et ont constaté que le goût du public se portait de plus en plus vers les choses anciennes ; ils ont noté l'affluence des amateurs et la chaleur des enchères. Assurément le public n'était pas composé uni- quement d'acheteurs, loin de là , mais il est déjà fort encourageant de voir autant de curieux s'intéresser aux choses anciennes, et je crois qu'il faut s'en réjouir ; cependant, l'excellent et très sympathique critique d'art du Salut Public déplore un peu cette nouvelle orientation du goût : « L'affluence du public à ces ventes, constate-t-il, l'engouement qu'il témoigne pour les objets et les meubles anciens, les prix élevés qu'il les paie parfois, sont, il faut le noter, assez démoralisants pour les artistes et les artisans d'aujourd'hui. Pourquoi les amateurs ne vont-ils pas chez leur tapissier et ne lui demandent-ils pas d'établir suivant leur idée, suivant le goût contemporain et les commodités modernes, les meubles qui leur sont nécessaires i ». La réponse est, je crois, facile à faire en ce qui concerne les meubles : on ne va pas chez son tapissier parce que celui-ci ne peut ou ne veut faire qu'une copie le plus souvent défectueuse d'un meuble ou d'un siège ancien et pour un prix généralement supérieur à celui qu'on paye un meuble authentique chez un antiquaire ; de plus, il est agréable de se dire que si l'on achète un objet vraiment ancien, il gardera toujours sa valeur et même souvent la verra augmenter, tandis qu'un objet moderne perd de son prix dès l'instant où il sort de l'atelier du fabricant. Je ne parle pas, et pour cause, des meubles de style moderne, non que je sois hostile à l'art nouveau, mais parce que les rares artistes qui fabriquent actuellement des meubles originaux les vendent à des prix extrêmement élevés. Et puis, tout en admirant les efforts faits par des artistes intelligents pour renouveler l'art du meuble, il faut bien admettre que le xvm e siècle, en particulier, a