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                     PETRUS BOREL
     La vie de Pétrus BorelI, peu intéressante du point de vue littéraire,
formerait un chapitre poignant de ce livre qu'un philosophe ami des
hommes écrira peut-être un jour, le Plutarque des Ratés. Il est bon de
proposer en exemple aux débutants les vies des écrivains illustres, mais
il ne serait pas moins utile de leur enseigner d'autre part comment, par
défaut de modestie et par méconnaissance de soi, une existence tout entière
peut être vouée à un labeur sans résultat et sans joie. On se console, par
l'oubli, des pires catastrophes, mais comment trouver un adoucissement
à cette peine qui se nourrit de sa propre angoisse, rebondit à chaque nou-
velle chute et voit son espoir grandir avec ses déceptions?
     L'heureux Walt Whitman a écrit, dans ses Notes sur Edgar Poe :
« Du consentement général, il n'est rien de mieux pour l'homme et pour
la femme qu'une vie parfaite et noble, moralement sans défaut, heureuse-
ment équilibrée dans son activité, physiquement saine et pure, accordant
la proportion qui lui est due, et pas davantage, à l'élément de sympathie,
d'émotion humaine — une vie, dans tous ses aspects, vécue sans hâte,
sans repos, sans lassitude jusqu'à la fin. Et cependant, il est une autre
coupe de personnalité bien plus chère au sens artiste (qui aime le jeu des
lumières et des ombres les plus vigoureuses) ; celle où, sans jamais l'at-
teindre, on poursuit toujours le type parfait, le bien, l'héroïque, mais à
travers les échecs, les douleurs, les chutes momentanées ; où l'on revient
sans cesse à ce bien, auquel, tout en le violant souvent, on reste passion-
nément attaché tant que l'esprit, les muscles,- la voix obéissent à ce pouvoir
que nous nommons la volonté. C'est ce genre de personnalité que nous
trouvons plus ou moins dans Burns, Byron, Schiller ou George Sand »...
et aussi dans Pétrus Borel, à ces différences près, qu'il eut un talent
médiocre, peu de savoir faire et pas du tout de chance.
     Aussi sa renommée est-elle tout entière établie, non sur ses œuvres,
mort-nées, mais sur un sobriquet et sur une légende. Pétrus Borel ? les
moins savants ajoutent immédiatement " l e lycanthrope ". Les forts en