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 quand on lui remet par exemple sous les yeux une phrase aussi claire et
aussi franche que celle-ci, prise dans une lettre du 27 septembre 1803 :
 « Etant à Rome, je compte sur votre correspondance accoutumée pour la
partie politique ; M. T*** me sert merveilleusement pour la partie
ecclésiastique », qu'on le prie de compléter l'initiale et de citer en entier
le nom du chroniqueur clérical, sa délicatesse lui clôt la bouche et il est
convaincu du reste que l'intéressé est parti des Etats pontificaux. Quant
à ses amis, les Moscovites, sa préoccupation constante est de les tenir
en dehors du débat. C'est avec une aisance empreinte de fierté qu'il se
reconnaît sujet de Sa Majesté l'Empereur de toutes les Russies ; il lui
est reconnaissant d'avoir accepté sa requête de naturalisation et de l'avoir
autorisé à servir les intérêts de la dynastie exilée ; dès que l'un de ses
sujets est en cause, attaché au service des informations à l'étranger,
boyard voyageant pour ses plaisirs, grande dame hivernant à Venise, il
est impossible de lui arracher une syllabe ; il est prêt à subir toutes les
violences plutôt que de consentir à dénoncer le plus insignifiant d'entre
eux. L'amour pour la nation de son choix a oblitéré dans sa conscience
tout germe de patriotisme français. Cette substitution ne lui sera comptée
par personne comme un mérite, mais il serait intolérable, puisque nous
le surprenons, grâce à elle, à veiller sur son langage, de le priver de ce
bénéfice et de lui reprocher des délations qu'il n'a pas commises. N'est-
elle pas aussi la preuve manifeste que le ralliement que certains critiques
lui ont prêté était fort loin de sa pensée et de ses combinaisons ?
     L'impression que son attitude et ses discours produisirent autour de
lui et dans les bureaux de la Sûreté générale, ne portait pas à conjecturer
qu'on viendrait aisément à bout de ses résistances et de son mutisme ;
on pressentait qu'il ne céderait ni par intimidation, ni par envie d'un
prix notable offert pour ses services. On espéra mieux de la lassitude et
on l'oublia au fond de sa prison, réservant à la solitude et à l'énervement
le rôle de bon conseil ; on n'écouta pas ses plaintes, ses demandes d'au-
dience restèrent sans réponse, le régime du secret lui fut imposé dans toute
sa rigueur. Epuisé par la maladie, excédé d'ennui, il prit sur soi d'inter-
peller directement Fouché, et dans une lettre, qu'on n'a pas omis de lui
reprocher, il lui demande, au nom de l'humanité, le bienfait de la jouis-