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— 320 — Toujours est-il que, dans ses confidences à Talleyrand, environ trois semaines après qu'il a triomphé, son style s'adoucit, sa vivacité se modère, son patriotisme est plus sage, il intercède en faveur de ceux dont la tristesse est trop évidente pour qu'il n'en soit pas ébranlé ; il plaidera même avec une certaine indulgence les raisons que le Saint-Père allègue pour ne pas abandonner le pseudo-conspirateur à un traitement trop rigoureux. « Le père des chrétiens de l'univers, affirme-t-il, s'est décidé principalement par le désir qu'il a de faire en toute occasion ce qui peut être agréable au premier consul, mais en même temps il a été bien persuadé qu'en rendant cet individu à ses juges naturels, loin d'aggraver son sort, il ne faisait qu'accélérer le moment où il pourrait mettre sa justification dans tout son jour. Le Saint-Père se repose à cet égard sur la justice du premier consul ; cependant sa bonté naturelle l'a porté à désirer que je vous recom- mande Vernègues et je le fais d'autant plus volontiers que le citoyen Hédouville, qui l'a accompagné jusqu'à la frontière, m'a assuré à son retour que sa conduite, pendant la route, avait été pleine de douceur et de rési- gnation et qu'il avait même témoigné quelque satisfaction d'aller en France où il espérait dissiper facilement les soupçons dont il était l'objet ». Quelle mansuétude ! elle ne s'étend pas seulement au protégé, mais encore à ses protecteurs septentrionaux. Voici le mot de la fin : « Le Saint- Père désire aussi être en état de prouver à la Russie dont le chargé d'affai- res est parti depuis deux jours, citoyen ministre, que c'est à sa recomman- dation que le premier consul a usé d'indulgence et que c'est un nouveau motif pour moi, de vous prier de me mettre à portée de répondre à l'inten- tion bienveillante de Sa Sainteté, en l'assurant que vous accorderez à Vernègues,tout l'intérêt dont il peut être susceptible dans la position où il se trouve » x5. Le serviteur participera à la même réhabilitation que son souverain et le secrétaire d'Etat, s'il avait entendu la confession de son éminentissime confrère, se serait empressé de l'absoudre, non sans rougir de modestie ou de malice. Mais ici un grain de défiance ne serait pas hors de propos, car je me figure que les aveux, qui forment la suite de la citation de tout à l'heure, ont été provoqués ; ces protestations sont une apologie contre des reproches plus ou moins déguisés, des observations plus ou moins