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      Toujours est-il que, dans ses confidences à Talleyrand, environ trois
semaines après qu'il a triomphé, son style s'adoucit, sa vivacité se modère,
son patriotisme est plus sage, il intercède en faveur de ceux dont la tristesse
est trop évidente pour qu'il n'en soit pas ébranlé ; il plaidera même avec
une certaine indulgence les raisons que le Saint-Père allègue pour ne pas
abandonner le pseudo-conspirateur à un traitement trop rigoureux. « Le
père des chrétiens de l'univers, affirme-t-il, s'est décidé principalement
par le désir qu'il a de faire en toute occasion ce qui peut être agréable
au premier consul, mais en même temps il a été bien persuadé qu'en
rendant cet individu à ses juges naturels, loin d'aggraver son sort, il ne
faisait qu'accélérer le moment où il pourrait mettre sa justification dans
tout son jour. Le Saint-Père se repose à cet égard sur la justice du premier
consul ; cependant sa bonté naturelle l'a porté à désirer que je vous recom-
mande Vernègues et je le fais d'autant plus volontiers que le citoyen
Hédouville, qui l'a accompagné jusqu'à la frontière, m'a assuré à son retour
que sa conduite, pendant la route, avait été pleine de douceur et de rési-
gnation et qu'il avait même témoigné quelque satisfaction d'aller en France
où il espérait dissiper facilement les soupçons dont il était l'objet ».
       Quelle mansuétude ! elle ne s'étend pas seulement au protégé, mais
encore à ses protecteurs septentrionaux. Voici le mot de la fin : « Le Saint-
Père désire aussi être en état de prouver à la Russie dont le chargé d'affai-
res est parti depuis deux jours, citoyen ministre, que c'est à sa recomman-
dation que le premier consul a usé d'indulgence et que c'est un nouveau
 motif pour moi, de vous prier de me mettre à portée de répondre à l'inten-
 tion bienveillante de Sa Sainteté, en l'assurant que vous accorderez à
 Vernègues,tout l'intérêt dont il peut être susceptible dans la position où
 il se trouve » x5.
       Le serviteur participera à la même réhabilitation que son souverain
 et le secrétaire d'Etat, s'il avait entendu la confession de son éminentissime
 confrère, se serait empressé de l'absoudre, non sans rougir de modestie
 ou de malice. Mais ici un grain de défiance ne serait pas hors de propos,
 car je me figure que les aveux, qui forment la suite de la citation de tout
 à l'heure, ont été provoqués ; ces protestations sont une apologie contre
  des reproches plus ou moins déguisés, des observations plus ou moins