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— 262 — leries. Guillaume fait à Bertulphe l'éloge de celles de Lyon et montre combien l'on est mal reçu en Allemagne (i). GUILLAUME. — Vous avez toujours, près de la table, quelque jeune servante qui vous divertit durant le souper, qui a toujours le bon mot et vous fait cent plaisants contes, et il s'y trouve souvent de très beaux visages. D'abord la maîtresse vous vient saluer, vous prie d'être joyeux et de prendre en gré le traitement qu'elle vous fait. La fille du logis paraît ensuite, d'un œil si riant, d'un parler si mignard et d'une conte- nance si délibérée, qu'elle pourrait abattre jusqu'au chagrin d'un Caton. Mais ne croyez pas qu'elles agissent avec vous comme avec des étrangers, elles vous entretiennent familièrement, comme si elles vous avaient vus toute leur vie. BERTULPHE. — Je reconnais la politesse de la nation. GUILLAUME. — Mais d'autant qu'elles ne peuvent toujours demeurer en une place et qu'outre les petits soins domestiques elles ont souvent d'autres hôtes à recevoir, ces deux dernières s'étant retirées, vous avez de reste la jeune servante, instruite à toute sorte de gentillesse et suffisante elle seule pour tenir tête à chacun. Celle-ci entretient la compagnie jusqu'au retour de la fille, car l'âge de la mère la dispense de ces petits soins. BERTULPHE. — Mais enfin, quel est l'appareil et la bonne chère? car le ventre ne se remplit point de galanteries. GUILLAUME. — Certes, elle est si bonne que je me suis souvent étonné comme elles peuvent traiter à si juste prix. La nappe levée, elles vous entonnent derechef quelque histoire et ne vous laissent nullement ennuyer. Pour moi, je me croyais encore dans ma maison, et ne me pouvait persuader d'être en voyage. BERTULPHE. — Quel est le traitement dans les chambres? GUILLAUME. — C'est là que vous avez derechef quelques jeunes filles qui ne font que rire et que folâtrer. Elles vous demandent sans cesse si vous avez quelque chose de sale et sont soigneuses de vous le rapporter blanc le lendemain. Que dirai-je plus? Vous ne voyez là que femmes et filles, si ce n'est à l'étable où pourtant elles ne peuvent souvent s'empêcher de vous suivre. A votre départ, elles vous embrassent avec même affection que si vous étiez leurs frères ou de leurs proches, et semblent avoir de la peine à vous dire adieu. Pour faire contraste, les deux interlocuteurs décrivent ensuite la réception qui attend le voyageur dans les hôtelleries d'Allemagne. Il est accueilli par un portier grognon et renfermé et doit conduire lui-même son cheval à l'écurie. Dans une salle commune à tous les voyageurs, il lui faut prendre ses pantoufles, se changer et (i) A défaut d'une traduction nouvelle, je préfère me servir de celle de Chappuzeau. parue à Paris, chez Louis Billaine, en MDCLXII. Elle a plusieurs avantages : forme classique de la langue, adou- cissement des termes trop osés ou latins... et puis ce Chappuzeau doit être le même que l'auteur de Lyon dans son lustre.