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— 223 — princesse Galitzin demeura à l'écart ; mais deux autres dames de la société, la comtesse Pritassof et la femme d'un sénateur, loin d'imiter cette réserve, tinrent à porter plus loin leur offensive bravade. Elles avaient obtenu, pour le 6 nivôse, la faveur d'une audience particulière de Sa Sainteté ; elles ne s'y rendirent pas, s'excusant sur le mauvais état de leur santé, pendant qu'elles affectèrent de se montrer dans les allées du Pincio avec un teint frais, la plus solide allure et de jolies toilettes. Dans ces conjectures, le cardinal Caraffa rendit une longue visite au plénipotentiaire, si troublé par ses compatriotes et tremblant sous les invectives dont ils l'avaient abreuvé. Les deux interlocuteurs convinrent que toute solution serait ajournée et que les choses resteraient en l'état jusqu'à la réponse du cabinet de Saint-Pétersbourg. Dix jours après, aucun départ ne s'était opéré, l'effervescence était en décroissance chez les amis du séquestré. Mais l'inquiétude, les regrets, l'affolement persistèrent plus longtemps parmi les résidents français, ayant refusé l'amnistie offerte aux émigrés, toujours fidèles au régime écroulé, toujours en expectative d'une restauration monarchique. L'exil n'est pas une bonne école pour l'âme humaine. La patience s'enracine peut-être dans les privations et dans la lutte, mais la rectitude du jugement, la droiture même et la délicatesse de la conscience succombent sous le poids de mesquins préjugés, qu'on décore du nom de principes et de prophéties sacrées. La partie de l'aristocratie qui, sur l'exemple des deux frères du roi et de ses tantes, après 1789 et les Etats généraux, avait quitté Versailles et ses châteaux de province, qui avait vu s'ouvrir devant elle, avec sym- pathie, les antiques demeures ou les auberges de la cité papale, ne cessait de nourrir contre la Révolution, ses crimes, ses conquêtes, ses institutions et son anarchie, une antipathie combative, mélange de terreur à l'égard des bourreaux et de pitié pour les victimes. Mais si respectables que ces sentiments aient été par leurs motifs et la fidélité qui les dictaient, il n'est guère douteux que les partisans de la dynastie déchue s'entraînèrent eux-mêmes à dépasser les bornes du juste et du vrai. On n'effacera pas les échos de leur attitude hostile, pendant la négociation du Concordat, ni la façon très plébéienne dont ils enveloppaient dans le même dédain