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     Les Pestallozi ont laissé un nom dans l'histoire de la médecine à
Lyon. Cette famille, originaire des Grisons, vint s'établir à Lyon au
xviie siècle. L'aïeul, Jérôme-Jean Pestallozi, se rendit célèbre par ses ou-
vrages sur la peste et par sa riche expérience acquise au cours des 23
années qu'il passa au service des malades de l'Hôtel-Dieu. Anne-Marie,
qui est l'héroïne de ce roman, était fille d'Antoine-Joseph Pestallozi,
chevalier, docteur en médecine, agrégé au collège des médecins de Lyon,
et d'Anne Chevary.
     Ce gentilhomme médecin avait cinq enfants, dont quatre filles. Il
exerçait sa profession avec un si parfait désintéressement, que malgré
une clientèle nombreuse et, semble-t-il, brillante, il régnait une grande
gêne dans son ménage. L'abbesse de Saint-Pierre, Madame de Melun,
connaissait bien la situation précaire du médecin de l'abbaye. Elle avait
essayé de lui venir discrètement en aide en lui faisant allouer une pension
en échange des bons soins donnés par lui à la communauté, et en le logeant
dans un des nombreux appartements que les religieuses louaient autour
des bâtiments conventuels. Elle voulut tenter davantage et travailla à faire
entrer l'une des filles du médecin au couvent. Femme de gouvernement,
Madame de Melun avait eu à réparer les désordres financiers du règne
précédent. « Petite et point jolie », elle avait eu, dans cette occasion, si l'on
en croit notre document, une main de fer. Pour hâter la réalisation de ses
projets, elle acceptait de recevoir la jeune fille au noviciat, sans exiger la
pension ordinaire : elle pourvoirait aux frais de la cérémonie de la profes-
sion et même après l'avoir reçu sans dot — l'éternel et décisif sans dot —
elle servirait à la nouvelle professe une pension annuelle de 100 livres.
     Dès lors, la vie au foyer est rendue intolérable à cette jeune fille
noble qui vient d'avoir 16 ans et à laquelle son père signifie durement
qu'il lui faut choisir entre être religieuse ou se placer comme femme de
chambre. Cette brutale formule revient à plusieurs reprises dans la requête.
    Ses parents, sur les conseils de l'abbesse, lui firent apprendre la musique.
Elle se rendait souvent au monastère pour toucher l'orgue et accompagner
le chant des offices. Un dimanche, en 1763, on la garde de force au couvent.
Les quatre mois de postulat, temps de probation avant le noviciat propre-
ment dit, elle les passe en protestations et en révoltes, malgré les dispenses
nombreuses qu'on lui accorde et qui rendent illusoire cette épreuve.