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de quelques notes par un bon enfant. Se vend au profit des auteurs siffles.
Ce fut sans doute Léon Boitel qui y croqua lui-même sa silhouette :
     « Boitel (Léon), un tout jeune homme. Il s'est pris d'une belle passion
pour les Muses. Elégies, chansons, vaudevilles, il est d'une égale force
sur tout. Ne l'avez-vous pas rencontré, son Mari à deux femmes en poche,
courant à la recherche d'un bénéficiaire complaisant, montant des Ter-
reaux à Fourvières et descendant de Saint-Georges aux Célestins. C'est
un homme de lettres fort remarquable... par ses bonnes jambes. M. Boitel
a fait trois pièces qui ont été jouées avec un grand succès toutes les fois
que la salle était remplie... d'amis. Il a quitté, dit-on, la carrière des Muses
pour le commerce proprement dit. Allons, M. Boitel, mettez sur le métier
de jolies pièces d'étoffe ».
      Le jeune commis-pharmacien qui, à ses moments perdus — il devait
s'en procurer beaucoup — était déjà à 21 ans vaudevilliste, poète et jour-
naliste, fit, à ce qu'il semble en 1827, la connaissance de M me Des-
bordes-Valmore et de son mari engagé cette année-là au Grand-Théâtre
de Lyon pour y jouer les « premiers rôles ». Chargé par son père de porter
une potion que leur a commandée leur illustre cliente — l'auteur réputée
des Elégies qu'il brûle justement de connaître —, Léon Boitel se précipite,
transporté, vers le logis du ménage, alors établi quai Saint-Clair, 1, entre
la porte de la Ville et la rampe des Fantasques. Il n'a pas manqué de se
munir d'une de ses poésies qu'il compte débiter à Madame Valmore
en lui présentant son loch.
      Valmore l'introduit tout ému auprès de la malade étendue sur un
lit de repos et il commence à réciter ses vers. Mais la stupéfaction des
Valmore accroît encore son trouble ; il hésite, s'arrête, lâche la fiole qu'il
portait, puis son chapeau, en cherchant son manuscrit dans ses poches,
enfin, perdant complètement la tête, il pénètre, en voulant s'enfuir, dans
un débarras obscur où il culbute des meubles et des pots de confiture qui
se brisent avec fracas. Affolé, il s'est enfermé dans ce réduit et ses hôtes
doivent l'en tirer pour le reconduire jusqu'à la porte, en riant aux larmes
 de son ahurissement.
      Cette aventure qui noua entre les Valmore et les Boitel des relations
 bientôt intimes ne fut pas sans influence sur la carrière littéraire de l'ap-