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comprit de suite. Il entra dans les vues anglaises, offrit le concours de
l'armée grecque pour accomplir ce qu'il représentait comme une opération
de police un peu étendue, et c'est ainsi que la Grèce devint le soldat de
l'Entente.
Quand M. Venizelos vint offrir à l'Entente le concours de l'armée
grecque, il trouva des oreilles prêtes à l'écouter, surtout en Angleterre,
et l'accord ne fut pas difficile à conclure. Il ne faut pas s'en étonner, pas
plus qu'il ne faut s'étonner de la place prise par le représentant de la
Grèce au cours des négociations relatives aux questions orientales. La
vérité est qu'en face des hommes politiques qui représentaient les puis-
sances occidentales, hommes de valeur sans doute, mais dont aucun
n'était véritablement éminent, en face de leurs conseillers techniques,
fonctionnaires distingués mais un peu enlisés dans l'ornière des vieilles
méthodes, la forte personnalité de l'homme d'Etat hellénique a tout
de suite tranché et sa supériorité s'est dégagée en pleine lumière. Car Ã
tous ceux qui ont eu la rare fortune de l'approcher, M. Venizelos apparaît
comme un grand, un très grand homme, d'autant plus que toute sa force
réside en lui-même et qu'il est assez mal soutenu, quand il l'est, par son
entourage politique. Somme toute on le connaît très peu en France,
on sent bien, d'une façon un peu vague, qu'il est le seul qui, au cours
des événements tragiques qui viennent de se dérouler, n'ait pas été
inférieur à ces événements, le seul qui se soit vraiment révélé, en un mot
un maître-homme. Et nous sentons qu'il y a vraiment une ironie dans les
choses puisque c'est en Grèce, en ce petit pays, incertain de lui-même,
sans continuité d'aspects, qu'il a surgi, alors que vainement, pendant les
années terribles que nous avons traversées, on en cherchait un semblable
en Europe et qu'on n'en trouve guère davantage maintenant qu'a sonné
l'heure plus difficile encore des reconstructions.
Mais de quoi est faite cette maîtrise, on ne le saisit pas bien, on le
saisit même à contre-sens. De ce que certaines qualités dominantes de
sa race, la finesse qui se double surtout de ruse, la souplesse d'esprit,
l'ingéniosité dans les moyens, l'habileté à se retourner dans les circons-
tances difficiles, la subtilité à trouver l'argument qui déconcerte dans la
discussion se rencontrent en lui à un degré éminent, on tend à ne le