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osé comme les autres mettre au jour une nouvelle lettre imitant l'écriture,
non par vanité audacieuse, Dieu le sait, mais simplement pour nous exer-
cer et par amour de notre art. Nous vous en présentons un spécimen avec
la grâce de Dieu. Nous vous prions de l'accepter avec reconnaissance
espérant que plus tard nous pourrons faire mieux avec l'aide de Dieu
en la grâce duquel nous vous recommandons ».
Van den Keere inspira à Van Vaernewyck la grande admiration qu'il
éprouvait pour les talents de Granjon ; nous en trouvons des échos enthou-
siastes dans les deux strophes suivantes de la fameuse ballade que nous
citons pour la dernière fois.
Il ne s'agit pas cette fois de lettres de civilité mais de fleurons que
Granjon gravait pour l'ornementation des livres et avec lesquels le typo-
graphe pouvait faire des combinaisons variées à l'infini. « On me révèle
que son nom est Robert Granjon et il mérite les plus grands éloges. Il
a autant d'idées ingénieuses qu'il a de cheveux sur la tête. A l'aide de douze
poinçons il fait croître une gloriette mauresque où s'épanouissent des
fleurons gentils et subtils ; elle est large de deux doigts et longue d'une
paume ; on y découvre quarante-huit pièces différentes. — Chose sem-
blable n'est pas à décrire, il faut qu'on le voie pour qu'on le comprenne.
Avec ces fleurons on peut faire des figures variées et inattendues, qui
font croire à un travail tout différent et cependant tout se fait avec les
mêmes poinçons. On pourrait remplir des mains de papier avec la variété
de ces figures. On dirait qu'on en peut faire tout ce qu'on en veut ».
Nous avons insisté aussi longuement sur le poème de l'«excellent poète»
gantois Van Vaernewyck, parce que nous y trouvons un témoignage
précieux de la grande renommée dont Granjon jouissait dans les Flandres.
Si l'Italie appréciait surtout les caractères orientaux qu'il grava à ] Rome
d'abord pour Dominique Basa, ensuite pour les Médicis et le pape
Grégoire XIII ; si les princes allemands luthériens tâchaient de l'attirer
chez eux pour le faire collaborer à l'édition de textes orientaux, les Fla-
mands, tout en appréciant ses poinçons pour l'impression de la musique,
ses caractères grecs, hébraïques et syriaques, faisaient cas surtout de
ses civilités et de ses ornements typographiques. Il est surprenant que
les biographes ne fassent aucune mention de ces deux spécialités.
Rev. Lyon. 4