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     Plantin possédait également des caractères de civilité taillés par le
célèbre graveur, fondeur et imprimeur parisien Pierre Hautin, qui s'était
rendu célèbre surtout par ses poinçons pour l'impression de la musique.
Ces caractères sont signalés dans la Copie de l'Inventaire des lettres, de
1575 : « Lettres façon descripture sur la petite Augustine de P. Hautin ».
      Dans ce milieu savant que formaient les typographes et les lettrés
flamands du xvi e siècle, l'invention de Granjon produisit grande sensa-
tion, à juger par ce qu'en dit Marcus van Vaernewyck, ce Gantois
que ses contemporains appelaient « excellent poète et historiographe
moderne » (1518-1568). La longue ballade boursouflée qu'il lui consacre
dans son ouvrage flamand Histoire de Belgique qu'on peut appeler autre-
ment : le Miroir de VAntiquité des Pays-Bas (1568, IV e Livre, Chapitre
LXX e ) vaut la peine d'être analysée.
      Van Vaernewyck y glorifie le tailleur de lettres et imprimeur anver-
sois Aimé Tavernier comme l'inventeur d'un genre de caractères d'im-
pression « qui ressemblent à l'écriture flamande et française ».
      Il se demande d'abord pourquoi l'écriture flamande ne pour-
rait pas être imprimée tout aussi bien que l'écriture italienne, grecque
ou hébreue. « On pourrait nous demander, écrit-il, pourquoi nous n'im-
primons pas à notre gré notre écriture commune, tout comme autrefois
les Italiens l'ont fait de leur cursive gracieuse. Les Grecs et les Hébreux
impriment bien leurs lettres écrites, en gros et en petit format, notre
écriture flamande restera-t-elle donc seule méconnue et devra-t-elle
subir cette honte sans raison aucune ? ».
      On remarque une analogie très curieuse entre le raisonnement de
Van Vaernewyck et celui que tenait R. Granjon dix ans auparavant
dans sa dédicace du Dialogue de la Vie et de la Mort au chevalier d'Urfé.
      Cependant, la « honte » dont se plaint Van Vaernewyck ne pèsera
plus longtemps sur ses concitoyens. Un Flamand, natif de Bailleul dans
la Flandre française, Aimé Tavernier, de son temps imprimeur à Anvers,
joignit bientôt à ses talents de typographe « l'art de contrefaire agréable-
ment les lettres écrites».
      Voici l'éloge enthousiaste que l'« excellent poète » adresse à Taver-
nier : « Nous devons louer Dieu d'autant plus qu'il lui a permis de décou-