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474                   MON AMI GABRIEl

   Enfin, l'aube blanchissante vint surprendre le rêveur.
Gabriel se jeta sur son lit et sommeilla quelques instants.
Mais dès que le soleil parut, il se leva résolument, alluma
un cigare et sortit. Il marcha droit devant lui, l'esprit
alourdi par l'insomnie, traversa la petite ville dont les
rues étaient encore désertes et se trouva bientôt devant
le chalet de Mme de Sérona. S'il avait osé, il aurait sonné
pour s'informer auprès de la gouvernante de l'état de la
malade. Mais l'heure était trop matinale pour une sem-
blable démarche.
   Néanmoins, Gabriel restait immobile, le regard fixé
sur les volets clos de la coquette habitation , tandis
qu'une nuée d'hirondelles tournoyaient en poussant des
cris autour des découpures du toit ou se perchaient sur la
balustrade circulaire pour répéter leurs gazouillements.
   — Quoi ! c'est vous, Gabriel? dit tout-à-coup une
grosse voix. Que faites-vous donc là de si bonne heure?
   — M. Delprat !... fit le substitut avec le tressaillement
d'un homme qu'on réveille.
   — Je viens, reprit le premier en retenant un malin
sourire, prendre des nouvelles de cette pauvre Nelly. Ma
femme est auprès d'elle... Au fait, entrons ensemble au
rez-de-chaussée, si vous le voulez bien.
   Gabriel ne se fit pas répéter cette invitation. Ils furent
reçus dans un petit salon tout embaumé du parfum des
fleurs et encore enveloppé dans un demi-jour plein de
mystère. Mme Delprat vint les y rejoindre. La nuit avait
été mauvaise : Nelly avait eu du délire ; le docteur était
parti tard après avoir laissé comprendre qu'une fluxion de
poitrine allait se déclarer et qu'elle ne pouvait être que
mortelle pour une jeune femme aussi délicate.
   Ces détails ne firent que confirmer les tristes prévisions
des deux visiteurs.