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462                   MON AMI GABRIEL

ce volume de poésies si souvent feuilleté, cette petite pen-
dule sur laquelle vous jetiez tant de coups d'Å“il furtifs en
causant auprès de votre mère, à l'approche de l'heure où
le jeune homme — l'autre — avait l'habitude de venir,
et cette dernière embrassade que vous vous donniez à
son départ pour l'École, avant de courir vous cacher dans
votre chambrette comme un oiseau blessé... Et toi,
Gabriel, tous les souvenirs joyeux ou tristes qui rempli-
rent les pages de ton journal déjeune homme, t'en sou-
viens-tu ? Ijit ce billet singulier, sans autre date que
celle déjà lointaine d'une amère douleur et d'une sublime
résolution, ne l'as-tu pas oublié ?

                            III

   La petite station d'eaux de Salins n'attire qu'un nom-
bre restreint de baigneurs ; elle n'est point fréquentée
pas ce monde cosmopolite qui va chercher dans les villes
d'eaux des plaisirs et des fêtes, et qui prodigue son luxe
et ses richesses à Baden, Vichy, Biarritz ou Aix-les-
Bains.
   A son premier retour d'Algérie, Je jeune substitut
avait besoin surtout de repos physique et moral; c'est
ce qu'il comptait trouver dans la petite ville jurassienne.
  Parmi les étrangers qui se trouvaient à Salins, Gabriel
avait distingué, dans les allées qui avoisinent l'établisse-
ment des Bains, une jeune femme accompagnée d'une
gouvernante ; la jeune femme devait avoir vingt-cinq
ans; elle était grande et svelte, blonde et pâle, mais
fort belle avec de grands yeux noirs, brillant d'un
éclat singulier derrière le voile blanc qui les abritait.
  Dès le premier aspect on comprenait que la pro-
meneuse appartenait au meilleur monde; son profil