Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
438               POÉSIES DE MATTHIEU

  Qui face un corps tant beau, gay ou parfaict
  Comme de mort le 'grand bien peult et faict.
  Grand bien je dis de mort le bénéfice,
  Car par la mort fin de malheur et vice
  Tous nous avons, et n'est point si amere
  Ainsi qu'aulcuns la nous ont voulu faire ;
  Car vivant n'est qui l'ayt veu ne sentu :
  Par quoy je dis, le tout bien debatu,
  Que mort n'est mort, mais un nom à plaisir
  Qui n'a pouvoir venir humain saisir ;
  Car des qu'on naist jusqu'au temps qu'on dict mort,
  Nature faict comme engrossée port.
  Ainsi chascun a deux conceptions
  Et double vie, et n'y a passions
  D'aulcunes morts, chose de grand mystère,
  Veu qu'en sortant du ventre de la mère
  Une aultre foys se remet dans le ventre,
  Quand de rechef vif en ce monde il entre,
  Lequel il trouve infiniment plus large
  Que le premier, et encor plus s'eslarge
  Cent mille foys à celle autre naissance,
  Quand il sort hors de la mondaine essence.
  N'est pas l'enfant des ce qu'il est conceu
  Nourry au ventre, et là creu et recreu ?
  Puis quand est nay, lors le receoit nature
  Au mondain ventre, où elle a de luy cure,
  Le nourrissant tout au mieulx qu'elle peult
  De tous ses fruictz, car maintenir se veult :
  Et tout ainsi que par neuf moys durant
  La mère va tousjours l'enfant meurant
  Pour l'enfanter et en charger nature,
  Qui en ce monde en prent la nourriture,
  Pour puis le faire entrer en plus grant vie