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MON AMI GABRIEL 467 venait couper le chemin et y causer des ravages. Né- gligeant alors les mains qu'on lui tendait, Nelly s'ap- puyait sur son bâton et franchissait le torrent en posant délicatement les pieds sur les cailloux roulants ; puis elle reprenait son pas alerte, cueillant çà et là des touffes de fleurs et demandant sur les particularités du paysage des explications que Gabriel s'empressait de lui donner. L'horizon s'élargissait peu à peu. Au détour de cha- que rocher, de chaque bouquet d'arbres, l'oeil découvrait de nouvelles lignes de montagnes qui se perdaient dans le lointain. Des villages blancs et rouges, petits ou grands, s'échelonnaient de distance en distance; quel- ques-uns n'étaient signalés que par la flèche de leur clocher, qui jetait déjà de vifs éclairs à l'horizon; au- dessus de ce spectacle grandiose régnait un ciel .admi- rable et autour des touristes un calme parfait, à peine troublé par le frissonnement du feuillage. La jeune femme et le substitut s'étaient arrêtés et con- templaient l'aurore naissante dans une muette extase. — Le soleil ! s'écria Gabriel. — Ah ! ...' fit Nelly en passant la main sur ses yeux. Le disque embrasé venait d'apparaître et lançait de toutes parts ses traits aveuglants, au milieu du réveil de la nature entière toute baignée de vapeurs et toute scintillante de rosée. Les oiseaux poussaient des cris joyeux en se balançant sur les rameaux des branches et vingt papillons bleus voltigeaient de concert sur les buissons en fleurs. En face des sublimes phénomènes de la nature et de l'immensité des cieux, l'homme est attiré vers les espa- ces infinis. Dominée par cette influence surhumaine, Nel- ly était pénétrée d'une douce émotion ; elle sentait sa