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MADELEINE 299 Hélas ! le sort de Madeleine était encore plus triste que ne l'avait supposé Albert Dupart ; il n'y avait rien eu dans sa v i e . . . absolument rien ! Elle avait vu disparaître jour par jour sa jeunesse, sa beauté, ses illusions.... tout enfin ! Madeleine Verneuilétait néeà X... ;mais sa famille n'était pas du pays : elle s'y trouvait sans liens, sans amis. Sa mère ayant été frappée de cécité, ce malheur n'avait pas tardé à rejaillir sur cet intérieur déjà si rempli de mono- tonie. La tristesse de la maison paternelle s'était dès-lors changée en austérité : personne n'y avait plus été heu- reux. M. et Mme Verneuil ne pouvaient supporter autour d'eux, ni le babillage enfantin, ni le bruit d'aucun jeu, et ils ne donnaient à leur fille que de bien rares caresses. Nature peu expansive, ces braves gens pratiquaient l'af- fection à leur manière. Madeleine adorait ses parents, et jugeant de leurs cœurs d'après le sien, elle en concluait qu'ils l'aimaient pareillement. Elle avait eu une sœur ainée qui, comme elle, était bonne, compatissante et dévouée. L'une des deux sortait-elle, la favorisée, qui jamais n'oubliait de rapporter, soit des fleurs de la prairie, soit des branches d'aubépines cueillies sur les haies, parlait à sa sœur, au retour, du soleil, des arbres, de l'air, à tel point que l'une et l'autre — les pauvres filles ! — croyaient avoir égale- ment profité de la promenade. Le soir, elles travaillaient ensemble. Elles ne pouvaient causer, il est vrai, car les vieillards sommeillaient à côté d'elles, mais du moins, en levant les yeux, leurs doux et gracieux sourires se rencon- traient aussitôt ; montant ensuite dans la même chambre, elles ne s'endormaient qu'après s'être souvent répété: « Bonsoir ! dors bien, ma sœur ! » Dieu cependant ne permit pas qu'elles fussent long- temps réunies.