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302                       MADELEINE

 qui devait, à la longue, ressembler au bonheur qu'ils
méconnaissaient.
   Quant à Madeleine, bien que touchée des attentions
 assidues dont elle était l'objet de la part d'Albert, elle
continuait à rester enveloppée dans son désenchantement
de toutes choses comme dans un voile épais qui lui cachait
le monde extérieur, En un mot, elle se montrait ce qu'elle
était autrefois : abattue, mais résignée.
   Plusieurs mois s'écoulèrent sans apporter aucun chan-
gement dans les relations, purement amicales, qui s'étaient
établies entre M. Dupart et M1Ie Verneuil.
   On était arrivé au commencement de l'automne.
   C'était le soir, un de ces beaux soirs où tout est calme
et reposé ; pas un souffle d'air n'agitait les arbres que
coloraient les derniers feux du soleil couchant. II était
impossible de ne pas s'abandonner à une douce rêverie en
présence de cette nature si paisible, qui endormait, à cette
heure, tout ce qui avait vie dans son sein, hors l'homme
qui veille pour penser. Enfin, c'était un de ces moments
où l'âme s'attendrit, où nous devenons meilleurs, où nous
sommes prêts à pleurer, sans chagrin cependant.
   Albert Dupart venait deYengager dans la ruelle, lors-
que, levant les yeux, il aperçut Madeleine-
   Un rayon de soleil égaré glissait sur la fenêtre et brillait
sur la tête de la jeune fille. Ses cheveux en recevaient un
lustre inaccoutumé. Un peu de joie passait sur son visage,
et elle souriait de son mélancolique sourire. Sa robe noire,
à longs plis tombants, ne laissait entrevoir, de toute sa
personne, que l'endroit où la ceinture marquait la taille.
Cette taille, la maigreur la rendait bien mince, mais non
dépourvue de grâce et de souplesse. Des violettes, ses
fleurs favorites, étaient attachées à son corsage.
   Il y avait dans la pâleur de Madeleine, dans ce costume,